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L’impression 3D et les matériaux naturels au service de villes plus vertes : Urban Reef

Publié le 22 avril 2024 par Elliot S.
Urban reef

L’impression 3D suscite l’intérêt de nombreux domaines en raison de son potentiel non seulement pour la numérisation de la fabrication, mais également pour une production plus durable. Par exemple, il existe actuellement un certain nombre de projets utilisant des matériaux naturels comme matériaux d’impression 3D, notamment l’argile, la terre, les déchets alimentaires, le café, etc. La fabrication additive permet de transformer ces matériaux, en les recyclant ou en les prélevant de la nature, et de réaliser de nombreuses applications auparavant inimaginables.

C’est également le cas de la startup néerlandaise Urban Reef, qui a combiné des technologies de pointe, l’impression 3D et des matériaux naturels pour imaginer et concevoir des villes plus vertes, plus inclusives et plus accueillantes. Ils ont développé des structures appelées Reefs qui, selon eux, contribueront à révolutionner les villes de demain, apportant ainsi une solution viable aux défis du changement climatique et de la réduction de la pollution. Pour en savoir plus, nous avons interviewé l’un des cofondateurs, Max Latour.

3DN : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre lien avec l’impression 3D ?

Max Latour (à gauche) et Pierre Oskam (à droite)

Je suis Max Latour, l’un des fondateurs d’Urban Reef et concepteur computationnel de formation architecte. J’ai commencé mes études à la faculté d’architecture de l’université technique d’Eindhoven, où j’ai eu mes premiers contacts avec l’impression 3D. Après ma licence, je suis allé à l’université technique de Delft pour mon master, attiré par son orientation vers la conception architecturale. C’est là que j’ai commencé à développer mon intérêt pour la conception computationnelle.

Au départ, j’étais obsédé par la conception de formes organiques, mais cela s’est rapidement transformé en un intérêt pour les processus morphogéniques naturels et la possibilité de les traduire en outils de conception. Finalement, j’ai obtenu mon master au Robotic Building Lab, un studio au sein de la faculté d’architecture qui utilise des outils de conception computationnelle et un prototypage à l’échelle 1:1 grâce à des processus de fabrication robotique.

Après l’obtention de mon diplôme, j’ai commencé à travailler au Robotic Building Lab en tant que chercheur. Parallèlement, j’ai commencé à explorer des applications plus larges des outils de conception computationnelle et des processus morphogéniques naturels, souvent en relation avec l’impression 3D. C’est la conjonction et la synergie élégante de ces explorations et du travail perspicace de Pierre sur la renaturation des espaces urbains et ses perspectives philosophiques sur le sujet qui ont finalement donné naissance à ce qu’est Urban Reef aujourd’hui.

3DN : Comment est né Urban Reef ? Quelle est sa mission ?

Urban Reef a commencé comme une petite expérience initiée par Pierre Oskam et moi-même. Nous nous sommes rencontrés lors d’un projet à l’université technique de Delft. Pierre, diplômé de la faculté d’architecture de l’université technique de Delft, a poursuivi son doctorat en design stratégique à l’université d’Aveiro et à l’université de Porto, au Portugal. Ses recherches doctorales portaient sur la renaturation des espaces urbains abandonnés, explorant la position changeante de l’homme dans le règne naturel et le contexte philosophique de ce phénomène. À la fin de son doctorat, il a voulu concrétiser une de ses idées et s’est rapproché du Robotic Building Lab de l’université technique de Delft à l’époque où j’y travaillais.

Le projet à l’université technique de Delft a déclenché une discussion sur le potentiel du croisement de nos intérêts, à savoir la renaturation du milieu urbain par la conception utilisant des abstractions de processus naturels. Nous avons décidé de lancer une petite expérience en autonomie, où nous avons imprimé en 3D une série de prototypes selon ces principes de conception et expérimenté l’impression 3D avec du café, du mycélium et des graines. Ces expériences ont été couronnées de succès et ont validé le potentiel des approches. Cela nous a permis de nous concentrer à plein temps sur ce projet et de passer à la phase suivante du développement.

Un exemple de structures organiques réalisées grâce à l’impression 3D

3DN : Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept des « Reefs » ? Comment sont-ils créés et quel est leur objectif ?

Les Reefs sont des structures qui améliorent le potentiel écologique en accueillant une diversité de conditions. Des variétés d’espaces interconnectés émergent de la complexité géométrique, ce qui favorise des microclimats variés en raison de variations de taille, de forme et d’orientation par rapport au soleil, au vent, à la pluie, etc. Cela se traduit finalement par des habitats potentiels pour un large éventail d’organismes. L’objectif est de créer des conditions permettant aux écosystèmes du milieu urbain de prospérer de manière autonome, avec peu d’interférences et de déterminations humaines, ou sans avoir besoin de systèmes actifs.

Une application spécifique de ce concept est notre Rain Reef. Ces structures sont spécialement conçues pour se raccorder à une descente pluviale, collectant et tamponnant l’eau de pluie. La porosité du matériau permet à l’eau de pluie d’être distribuée passivement à la surface du Reef, permettant aux algues et aux mousses de pousser directement dessus. Ce processus permet non seulement de créer des habitats et de tamponner l’eau de pluie, mais il contribue également à humidifier et à rafraîchir l’air par l’évaporation et la transpiration, luttant ainsi contre l’effet d’îlot de chaleur urbain.

Urban reef

Les Reefs sont capables de « prendre vie ». Dans ce cas, Rain Reef absorbe l’humidité et devient l’environnement idéal pour la croissance des champignons, ce qui donne vie à la structure.

3DN : Quels matériaux naturels Urban Reef développe-t-il pour l’impression 3D ?

Dans notre quête d’intégration de pratiques durables dans l’architecture urbaine, Urban Reef a adopté une approche bifurquée de la recherche sur les matériaux et du développement des applications. Cette séparation nous permet de déployer des solutions viables et applicables à court terme, tout en explorant et en faisant progresser continuellement les matériaux biosourcés pour une mise en œuvre future.

Pour nos structures actuelles, nous avons choisi la céramique comme matériau principal en raison de sa durabilité relative et de sa compatibilité avec l’environnement bâti. Les céramiques sont non seulement courantes dans la construction, mais elles possèdent également des propriétés essentielles pour nos applications, telles que la maniabilité, l’imprimabilité, la capacité structurelle et la porosité. Un dernier obstacle à franchir est la nécessité de la cuisson, qui reste assez gourmande en énergie. C’est là que notre recherche sur les matériaux devient pivotale.

À court terme, nous nous concentrons sur l’exploitation des ressources locales afin de réduire l’empreinte carbone. Un excellent exemple en est notre collaboration avec Blauwe Bagger, où nous recherchons l’utilisation de dragues locales. Blauwe Bagger peut soustraire l’argile de la drague (d’un lit de rivière ou de lac par exemple), transformant cette ressource abondante en un matériau de construction précieux. En agissant ainsi, nous visons à réduire l’impact environnemental associé à l’approvisionnement et au transport des matériaux, et à améliorer la circularité de notre processus de production.

À long terme, nous visons à remplacer l’argile par un matériau biosourcé, de préférence avec un processus de durcissement organique. Pour les expériences avec ces matériaux, nous collaborons généralement avec des partenaires spécialisés ayant une connaissance spécifique de ces matériaux. Par exemple, nous collaborons avec Junai.earth pour imprimer avec des noyaux d’olive, des coquilles d’huîtres et de l’alginate. Avec Lindey Cafsia, nous avons également imprimé avec de la bouse de vache. Notre objectif est de remplacer à terme la céramique par ces matériaux biosourcés, une fois qu’ils seront prêts à être mis en œuvre.

Les Reefs se fondent parfaitement dans l’environnement

3DN : Comment Urban Reef envisage-t-il l’avenir de l’architecture urbaine ? Quel rôle jouera la fabrication additive ?

Du point de vue d’Urban Reef, nous envisageons un avenir où l’architecture transcende ses frontières traditionnelles et devient un élément dynamique et vivant des écosystèmes qu’elle habite. Notre vision ne consiste pas seulement à intégrer des espaces verts dans les environnements urbains, mais à redéfinir l’essence même de ce que peut être l’environnement urbain. Nous envisageons un avenir où les bâtiments et les structures urbaines s’harmonisent avec la nature, contribuant activement à la biodiversité, à la durabilité et à la résilience environnementale.

Dans cet avenir, l’impression 3D joue potentiellement un rôle central, agissant comme un catalyseur de cette vision transformatrice. Le potentiel de l’impression 3D en architecture réside dans sa capacité à matérialiser des géométries complexes et des conceptions complexes qui étaient auparavant impossibles ou économiquement irréalisables avec les méthodes de construction traditionnelles. Cette capacité ouvre de nouvelles voies à l’innovation architecturale, en particulier lorsqu’elle est utilisée par des stratégies de conception computationnelle.

Ces stratégies ont le potentiel de faire émerger la conception architecturale à partir de processus plus ascendants. Cela peut se traduire par des conceptions plus intimement liées aux conditions physiques ou environnementales, comme le rayonnement solaire, le flux des forces, la distribution des eaux pluviales ou le potentiel écologique grâce à la diversité des microclimats.

Cette architecture serait intrinsèquement naturelle, d’un point de vue matériel, morphogénique et environnemental, et par conséquent esthétique également. Elle conduirait également à la redondance des systèmes actifs qui sont actuellement essentiels pour maintenir un niveau de confort souhaité, une nécessité découlant du manque actuel d’intégration environnementale dans la conception architecturale.

Exemple d’une application possible des Reefs en milieu urbain

3DN : Quels sont les projets futurs d’Urban Reef ?

Actuellement, nous sommes capables de produire des structures sculpturales autonomes. Cette orientation nous a donné la liberté d’expérimenter de manière itérative diverses stratégies de conception et d’évaluer leurs impacts.

En ce moment, nous mettons en place des projets pilotes en collaboration avec des partenaires du marché tels que des entreprises de construction, des architectes et des municipalités. Ces projets pilotes impliquent le développement d’applications diverses des Reefs. Chaque projet est évalué du point de vue de l’écologie, de la fonctionnalité et de la demande du marché. Les enseignements tirés de ces évaluations guident notre développement futur vers des villes qui stimulent des écologies spontanées.

3DN : Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Nous vous sommes reconnaissants de votre intérêt pour ce que représente Urban Reef. À l’aube d’une révolution dans la conception architecturale, il est crucial de reconnaître que l’impression 3D n’est pas seulement un outil permettant de produire des conceptions conventionnelles avec de nouvelles techniques ; c’est un catalyseur de possibilités sans précédent en matière de conception et de fabrication.

Nous invitons tout le monde à se joindre à nous pour explorer ces opportunités afin non seulement de réinventer notre environnement urbain, mais aussi de le réimaginer en tant que paysage naturel. Vous pouvez en savoir plus sur Urban Reef ICI.

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*Tous les crédits photo : Urban Reef

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