Imprimer en 3D à l’intérieur du corps grâce aux ultrasons
Pouvez-vous imaginer un monde où il serait possible d’imprimer en 3D des organes ou des tissus directement à l’intérieur de votre corps ? Bien que cela puisse sembler être une pure fantaisie de science-fiction, des chercheurs de l’Université Duke et de la Harvard Medical School semblent avoir fait un pas vers cette possibilité. Ils ont mis au point une nouvelle méthode d’impression 3D qui utilise des ultrasons focalisés et une encre biocompatible. Cette technologie pourrait être appliquée à une gamme étendue d’applications, de la régénération osseuse à la réparation des valves cardiaques. L’espoir est que cela ouvrira la voie à des procédures chirurgicales plus sûres et moins invasives.
Bien que les bienfaits de la fabrication additive aient été longuement appréciés dans le domaine médical, notamment dans le domaine de la bio-impression, des défis subsistent, en particulier lorsqu’il s’agit d’imprimer directement sur le corps. En effet, la plupart des méthodes actuelles recourent soit à l’extrusion, soit à la photopolymérisation, qui ne sont ni l’une ni l’autre bien adaptées à l’impression 3D à travers les tissus.
Avec l’extrusion, il est évident qu’il est difficile de réaliser une impression 3D à l’intérieur du corps. Comment introduire l’appareil à l’intérieur sans avoir à ouvrir le corps ? Si une ouverture est nécessaire, pourquoi ne pas le faire à l’extérieur ? Cependant, même avec les différentes méthodes de photopolymérisation en cours de développement, l’impression 3D à l’intérieur du corps reste hors de portée. Pourquoi ? Tout simplement parce que la lumière ne peut pas traverser la peau et les organes sans se disperser.
Cette nouvelle méthode, appelée « Impression volumétrique acoustique à pénétration profonde » pourrait aider à surmonter ces problèmes. Randy King, Ph.D., directeur des programmes à la Division des Sciences Appliquées et de la Technologie du NIBIB, explique : « L’échographie focalisée est utilisée depuis des décennies pour traiter une grande variété de conditions, ce qui souligne sa sécurité et son utilité en tant qu’outil clinique. Cette nouvelle application potentielle, résultat d’années d’avancées technologiques, pourrait ouvrir la voie à quelque chose que l’on croyait auparavant impossible : l’impression 3D par ultrasons à travers les tissus. »
Comment fonctionne l’impression 3D par ultrasons ?
Comme le souligne le Dr. King, l’utilisation des ultrasons focalisés n’est pas une nouveauté dans le domaine médical. Définie par l’Institut national de la santé comme une « technique thérapeutique non invasive qui dirige des ondes ultrasonores vers un endroit précis », elle est déjà employée le traitement des tumeurs du foie, des fibromes utérins ou encore de la maladie de Parkinson. Cependant, c’est la première fois qu’elle serait spécifiquement appliquée à l’impression 3D médicale.
En ce qui concerne le fonctionnement de la l’impression volumétrique acoustique à pénétration profonde ou DVAP, il peut être comparé à d’autres méthodes d’impression 3D biomédicale, telles que celles utilisant des encres photosensibles et une lumière ciblée, comme l’impression 3D volumétrique. Cependant, dans ce cas, ce qui a été développé est une encre soniquée, ou sono-ink, qui réagit aux ultrasons. L’encre elle-même se compose de quatre éléments distincts : un composé absorbant les ondes ultrasonores, une microparticule régulant la viscosité et un polymère fournissant la structure et un sel absorbant la chaleur pour déclencher la solidification. Cela permet d’imprimer des structures biocompatibles même à travers les tissus épais et multicouches du corps.
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Cette encre peut être utilisée de différentes manières, par exemple en ajoutant des particules minérales osseuses pour traiter la perte osseuse. Cette adaptabilité est essentielle dans les applications médicales et se marie bien avec l’imprimante à ultrasons haute intensité conçue par les chercheurs, laquelle a été modifiée pour améliorer à la fois la vitesse et la résolution.
Le processus a été mis au point par Y. Shrike Zhang, bio-ingénieur associé au Brigham and Women’s Hospital et professeur agrégé à la Harvard Medical School. Il a été aussi développé par Junjie Yao, professeur agrégé de génie biomédical à Duke. Pour expliquer son fonctionnement, Junjie Yao précise : « Le DVAP repose sur l’effet sonothermique, où les ondes sonores sont absorbées et élèvent la température pour solidifier notre encre. Les ondes ultrasonores peuvent pénétrer plus de 100 fois plus profondément que la lumière tout en restant confinées dans l’espace, ce qui nous permet d’atteindre les tissus, les os et les organes avec une précision élevée inédite avec les méthodes d’impression basées sur la lumière. »
De plus, le DVAP ne se limiterait pas seulement à l’impression 3D à l’intérieur du corps en utilisant des ondes ultrasonores, mais il pourrait également être compatible avec les tissus biologiques. Y. Shrike Zhang et Junjie Yao ont déjà testé ce procédé en créant des tissus pour un foie de porc et en simulant une opération chirurgicale impliquant un cœur de chèvre. Ces expériences ont également montré des résultats prometteurs, suggérant qu’à l’avenir, il pourrait être envisageable d’utiliser un procédé tel que le DVAP pour remplacer les procédures chirurgicales actuelles.
Yao conclut en expliquant : « Étant donné que nous sommes capables d’imprimer à travers les tissus, cela permet de nombreuses applications potentielles en chirurgie et en thérapie, qui nécessitaient auparavant des méthodes très perturbatrices. Ce travail inaugure ouvre une nouvelle ère dans le domaine de l’impression 3D, et nous sommes impatients d’explorer ensemble le potentiel de cet outil. » Pour en savoir plus, consultez le communiqué de presse de l’Institut national de la santé ICI, ou accédez à l’étude ICI.
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*Crédits photos: Junjie Yao (Université Duke) et Yu Shrike Zhang (Harvard Medical School et Brigham et Women’s Hospital)