Préserver le patrimoine culturel grâce aux technologies 3D

Selon la définition de l’UNESCO, le patrimoine culturel englobe les artefacts, les monuments, les sites et les musées qui ont une valeur significative, qu’elle soit symbolique, artistique, esthétique ou sociale. On peut considérer qu’il s’agit des objets et des zones qui contribuent à définir notre identité en tant que culture ou société. C’est pour cette raison qu’il est si important de les préserver. Cependant, les intempéries, le vandalisme et le simple passage du temps peuvent rendre la préservation du patrimoine culturel difficile. Heureusement, il existe peut-être une solution, grâce aux technologies 3D. En effet, la numérisation et l’impression 3D sont utilisées depuis longtemps, notamment grâce à des projets tels que Scan the World et Twin It ! qui visent tous deux à capturer le patrimoine important afin de disposer d’un espace de données commun pour la culture. C’est pourquoi, dans la liste suivante, nous avons décidé de montrer comment les technologies 3D sont utilisées pour aider non seulement à sauver le patrimoine culturel, mais aussi à le rendre accessible à un public plus large, grâce à certaines des applications les plus intéressantes du monde entier.
Têtes de l’île de Pâques
Les statues Moai de Rapa Nui, plus communément appelées « têtes de l’île de Pâques », ont toujours captivé l’imagination du monde entier, ce qui leur a valu d’apparaitre dans des films, des émissions de télévision et bien d’autres choses encore. Cependant, en octobre 2022, une catastrophe s’est produite. Un incendie a endommagé de nombreuses statues sur une zone de 100 hectares, les habitants considérant qu’il s’agissait d’un dommage irréparable pour le site archéologique. C’est là qu’intervient Scan the World. Le projet de MyMiniFactory est le plus grand écosystème de partage d’artefacts culturels numérisés en 3D. Après cet incident, Scan the World a appelé les utilisateurs à redoubler d’efforts pour numériser et imprimer en 3D des objets afin de préserver le patrimoine mondial. Ils ont également partagé des fichiers qui permettraient aux gens d’imprimer leurs propres objets. Une excellente façon de transformer une tragédie en espoir.

Représentation numérisée (à gauche) et impression (à droite) d’une statue Moai (crédits photo : Scan the World)
Instruments Māori imprimés en 3D
L’impression 3D est également utile pour créer des répliques de pièces culturelles qui peuvent être fragiles et précieuses, comme les instruments Māori. Les Māori de Nouvelle-Zélande continentale, un peuple polynésien autochtone, possèdent des instruments qui ont une grande importance culturelle. Le professeur Olaf Diegel de l’université d’Auckland, en collaboration avec la communauté Māori, a choisi de recréer le pūtātara (trompette à coquille de conque) et le pūkāea (longue trompette traditionnellement taillée dans le bois) grâce à l’impression 3D. À l’aide de tomodensitogrammes, M. Diegel a conçu des modèles 3D présentant les formes nécessaires pour recréer avec précision le son des instruments. Ces répliques ne sont pas destinées à remplacer les instruments originaux, mais plutôt à servir d’outils pédagogiques. Découvrez-en plus sur le projet dans la vidéo ci-dessous :
Reproduction des écritures védiques
Depuis sa création en 2006 par le Dr P.R. Mukund, l’association à but non lucratif Tara Prakashana, basée à Bengaluru, a sauvé plus de 3 300 manuscrits anciens en feuilles de palmier, concernant principalement la littérature et les enseignements védiques vieux de plusieurs siècles. Le védisme est l’une des principales influences des débuts de l’hindouisme, et l’association a pour mission de préserver et de transmettre les connaissances issues de ces anciennes sources védiques. En 2024, Tara Prakashana a ouvert le premier laboratoire d’impression 3D pour la préservation des manuscrits en Inde, son premier projet étant d’imprimer en 3D la plus ancienne copie au monde de la Bhagavad Gita, une écriture hindoue. À l’aide d’une imprimante 3D FDM, l’équipe recréera l’écriture à l’aide de filaments plastiques, garantissant ainsi la préservation du texte pour les générations à venir.

Manuscrits sur feuilles de palmier (crédits photo : Tara Prakashana)
Rénovation d’une maison chinoise traditionnelle grâce à l’impression 3D
En Chine, des professeurs de l’université de Hong Kong ont rénové une vieille maison en bois en y intégrant des murs imprimés en 3D. Ce projet, appelé « Traditional House of the Future », associe l’architecture traditionnelle à la technologie moderne pour revitaliser le paysage rural et s’adapter aux besoins de la communauté. Dans le cadre d’une initiative gouvernementale dans le village de Nanlong, l’équipe a scanné et désassemblé la structure d’origine, puis l’a agrandie en y intégrant des murs imprimés en 3D. Ces nouveaux ajouts ont permis de créer des espaces plus fonctionnels, tels qu’une cour d’entrée, une cuisine et des salles de bains, améliorant ainsi la flexibilité de l’habitation. Une fois les murs construits, les éléments d’origine, tels que la charpente en bois et le toit en tuiles, ont été réintégrés. Cette approche démontre une fois de plus que l’impression 3D permet de préserver le patrimoine architectural tout en introduisant des solutions durables et adaptables.

Crédits photo : Lidia Ratoi/John Lin
Reconstruction du temple de Bel à Palmyre
Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego ont recréé numériquement l’ancien temple de Bel à Palmyre, détruit en 2015 pendant la guerre civile syrienne. À partir de plus de 1 000 photographies prises avant sa destruction, un modèle photoréaliste à haute résolution a été généré à l’aide d’une modélisation 3D qui préserve tous les détails architecturaux et artistiques du temple, y compris les œuvres d’art et les inscriptions qui le recouvraient. La reconstruction du temple avec ces techniques a pris un an. Le modèle fait désormais partie des archives de l’université et sert de référence clé pour la préservation du patrimoine et les reconstructions futures.
La restauration de la Fontana di Melograno
Un autre projet très intéressant est celui du département DITAG de l’Université polytechnique de Turin, qui a choisi le scanner Handyscan 3D de Creaform pour améliorer la documentation et la restauration des monuments culturels. Le DITAG a déjà utilisé la technologie de télédétection LIDAR, mais celle-ci convient mieux à la cartographie qu’à la numérisation de petits détails. C’est pourquoi DITAG a choisi le scanner Handyscan 3D de Creaform. Cet outil permet une grande précision (jusqu’à 0,05 mm) tout en étant portatif et facile à utiliser. Il est composé de deux caméras, de quatre DEL montées autour de chaque caméra, d’un module laser à croix rouge et de cibles adhésives rétroréfléchissantes. Grâce à cet outil, DITAG a scanné la Fontana di Melograno dans la forteresse médiévale du Valentino à Turin pour la restaurer. Il s’agit d’une réplique de la Fontana di Melograno du XVIe siècle, dont la version originale se trouve dans le château d’Issogne, dans la vallée d’Aoste. Réalisée par le forgeron Cesare Bianchi d’Orta, cette copie a été présentée à l’exposition historico-archéologique et artistique de 1911 à Rome. Pour la restauration, les chercheurs ont utilisé le Handyscan 3D pour saisir les surfaces intérieures avec précision et le système LIDAR pour cartographier les zones plus grandes et moins détaillées. La combinaison de ces deux technologies a permis d’obtenir une représentation précise et multirésolution, garantissant ainsi le succès de la restauration.

À gauche, une photo de la Fontana di Melograno ; à droite, des relevés numériques obtenus avec le Handyscan 3D de Creaform. (crédits photo : à gauche MuseoTorino, à droite Creaform)
Reconstruction 3D de la tombe de Séti I à l’aide de scans LiDAR
En 2001, Factum Arte a commencé la documentation détaillée de la tombe de Séti I dans la Vallée des Rois. L’objectif était de créer une réplique de haute précision du site archéologique. Le scanner FARO Focus 3Dx230 a été utilisé pour mesurer la structure architecturale et les relations spatiales à l’intérieur de la tombe. Ce scanner LiDAR a capturé la géométrie du tombeau à partir de 70 positions différentes, avec une distance moyenne entre les points de mesure de 1,5 à 3 mm. Si la technologie LiDAR fournit des données spatiales précises, elle n’est pas suffisante pour capturer les détails de la surface en haute résolution.
Pour résoudre ce problème, la Fondation Factum a mis au point le scanner 3D Lucida, qui est particulièrement adapté à la capture des bas-reliefs, des murs peints et des sculptures. Il peut capturer jusqu’à 100 millions de points par mètre carré, offrant ainsi une résolution si élevée que même les fissures et les coups de pinceau les plus fins deviennent visibles. Les données capturées par balayage laser ont ensuite été enregistrées dans Faro Scene pour générer un nuage de points E57. Les photos ont ensuite été optimisées dans Lightroom pour améliorer l’exposition, la clarté et la coloration, et les données ont été importées dans Reality Capture pour un traitement ultérieur. Une reconstruction étape par étape y a ensuite été effectuée : les images ont été divisées par pièce, alignées individuellement et exportées sous forme de composants. Enfin, ces derniers ont été enregistrés et fusionnés, en utilisant les données de balayage laser comme référence précise.

Nuage de points composé de scans laser et de photos fusionnés dans RealityCapture (crédits photo : Fondation Factum)
Documentation numérique du site de Polonnaruwa, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO
Le site du patrimoine mondial de l’UNESCO de Polonnaruwa au Sri Lanka comprend les ruines d’un ancien jardin créé par Parakramabahu Ier au 12e siècle. En mars 2019, une équipe a mené une campagne de terrain de huit jours pour documenter cet important site du patrimoine culturel. L’objectif était de créer un enregistrement numérique des ruines et de fournir des données pour les restaurations futures. La documentation était basée sur un réseau de modèles numériques de seize structures capturées par balayage laser et photographie. Des plans d’étage, des sections et des élévations ont ensuite été dérivés des scans en 3D afin de fournir une image complète du site archéologique. L’un des principaux avantages de la photogrammétrie est sa méthode d’enregistrement sans contact, ce qui est particulièrement important lors de l’étude d’un monument culturel. En outre, l’équipe a combiné la photographie par drone et la photographie terrestre avec le balayage laser pour créer des modèles à haute résolution, détaillés en termes de géométrie et de couleurs. RealityCapture s’est également avéré être un complément important, car il permet de combiner la photographie et le balayage laser et de traiter efficacement de grandes quantités de données.

Capture d’écran de RealityCapture (crédits photo : RealityCapture)
Faire un film historique grâce à des scanners 3D
Ce n’est un secret pour personne : les conflits et les guerres ont de lourdes conséquences sur la société notamment sur tout le patrimoine et la culture. L’Irak par exemple fait partie des pays qui ont connu beaucoup de destructions. Or, il s’agit d’une région riche en histoire puisqu’elle faisait anciennement partie de la Mésopotamie, un berceau de la civilisation. Il y a quelques années, un projet de film a été initié par le cinéaste Ivan Erhel afin de rendre compte des richesses culturelles de cette zone. L’histoire est celle d’un homme qui souhaite préserver ce qu’il reste du patrimoine irakien en s’appuyant sur la numérisation 3D. Ainsi, on peut y voir plusieurs solutions d’Artec3D qui ont été utilisées pour scanner le pays, que ce soit des petits objets ou au contraire, des murs de plusieurs mètres de hauteur. Ivan Erhel explique : « À plusieurs moments dans l’Histoire, Bagdad a été au sommet du monde. Peut-être que maintenant nous pouvons réunifier un petit peu le pays, et aussi rappeler au monde ce que nous devons tous à la Mésopotamie – car 90 % de notre culture trouve son origine ici. Nous leur devons tout. »

L’équipe s’est appuyée sur le scanner Artec Eva pour numériser des murs (crédits photo : Ivan Erhel)
Cartographie du Hukuru Miskiy à Malé aux Maldives
Le Hukuru Miskiy de Malé, dont la traduction signifie « la mosquée du vendredi », est l’un des sites historiques les plus importants des Maldives, situé dans la capitale, Malé. Le Hukuru Miskiy est actuellement inscrit sur la liste provisoire des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site, construit en 1658 sous le règne du sultan Ibrahim Iskandar, comprend la structure de la mosquée, le cimetière du XVIIe siècle et le minaret. Il s’agit du plus grand bâtiment au monde construit en corail. Une documentation détaillée du complexe de la mosquée et des travaux de conservation et de rénovation supplémentaires doivent être fournis pour qu’il soit officiellement inscrit sur la liste de l’UNESCO. Le département du patrimoine des Maldives a donc demandé à Water Solutions Pvt Ltd de réaliser une cartographie en 3D du site, afin de pallier l’absence de dessins ou de documents historiques relatifs à sa construction.
Water Solutions, une société spécialisée dans la cartographie et le conseil en environnement, a utilisé le scanner laser Leica BLK360, la station totale Leica Viva TS16 et le rover GNSS RTK Leica GS18 T. Malgré les difficultés liées aux espaces confinés et aux détails architecturaux complexes, grâce à ces instruments, les chercheurs ont capturé l’ensemble du site archéologique en quelques jours seulement. La numérisation du complexe permettra de préserver son architecture et de soutenir les futurs travaux de restauration. Les données recueillies seront utilisées pour la réhabilitation de la toiture et serviront de base à la demande officielle d’inscription sur la liste de l’UNESCO.
Améliorer l’accessibilité du patrimoine culturel grâce aux technologies 3D
Parmi les applications de la fabrication additive dans le secteur de l’art et du patrimoine culturel, on peut citer le travail de la société italienne Hi.Stories. La mission de cette entreprise est d’améliorer le patrimoine culturel grâce aux technologies 3D, en tirant parti de leur potentiel pour créer des pièces interactives pour les lieux culturels. Hi.Stories utilise notamment l’impression 3D pour créer des parcours tactiles pour les malvoyants et améliorer l’accessibilité des musées. En outre, l’entreprise imprime en 3D des artefacts à des fins éducatives ou qui sont momentanément prêtés afin que les institutions culturelles puissent en montrer des copies au public.

3D printing of an ancient coat of arms (image credits: Hi.Stories)
Un violon Paganini imprimé en 3D
Pour marquer le 70e anniversaire du Premio Paganini en 2023, l’organisateur du même nom a élaboré une stratégie de marketing spéciale. Le Premio Paganini a collaboré avec la société italienne d’impression 3D 3DiTALY de Rome pour imprimer en 3D le célèbre violon « Il Cannone » du compositeur et « violoniste du diable » Paganini. L’original, fabriqué par le luthier Guarneri, se trouve au Palazzo Tursi de Gênes. Il a été mesuré à l’aide d’un scanner 3D, puis réimprimé à l’échelle 1:1. Pour ce faire, 3DiTALY a utilisé le procédé SLA et de la résine blanche. Les nombreux détails et les supports nécessaires ont constitué un défi particulier, car ils ont dû être soigneusement retirés après l’impression. L’image sortie de l’imprimante 3D a ensuite été équipée de fils de nylon rouge. Pour le maire de Gênes, Marco Bucci, le violon imprimé en 3D n’est pas seulement une initiative marketing intelligente, mais aussi une approche moderne de l’éducation culturelle. Le violon est destiné à éveiller l’intérêt pour l’histoire (de la musique) et à redonner vie à l’image poussiéreuse de Paganini.
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