L’impression 3D dans les musées: rencontre avec le Semitic Museum
Les nouvelles technologies sont clés dans le processus de préservation de la culture et les technologies 3D peuvent aider à restaurer et démocratiser l’Histoire. Nous avons interrogé le Havard Semitic Museum pour en savoir plus sur les bénéfices de la fabrication additive dans le développement et la restauration d’œuvres d’art. Le professeur Peter Der Manuelian, Directeur de l’Université, le Dr. Joseph A. Greene, Directeur adjoint et Conservateur du musée et le Dr. Adam Aja, Conservateur assistant, nous expliquent l’importance de ces technologies 3D dans les musées et pour leur métier.
3DN : Comment les archéologues, historiens et conservateurs peuvent bénéficier des technologies 3D dans les musées?
La visualisation numérique tridimensionnelle permet la reconstruction virtuelle à grande échelle d’anciens vestiges architecturaux et archéologiques, qui sont aujourd’hui des ruines plus ou moins endommagées. En utilisant l’animation numérique et en ajoutant des effets de couleur et de lumière, il est possible de montrer comment ces sites et monuments ont changé au cours du temps, de leur construction première à leur éventuel abandon et destruction.
L’enregistrement numérique en 3D des vestiges archéologiques et des ruines excavées est plus précis et efficace que les dessins manuels réalisés avec un mètre ruban, crayons et papier millimétré. La numérisation 3D des objets permet de les enregistrer, de les reproduire, de les examiner et de les transmettre à des fins d’étude, d’enseignement, d’exposition et d’archivage.
Pour des objets fragiles, la création d’images numériques en trois dimensions rend possible leur manipulation sans les toucher. On peut ensuite présenter des images aux visiteurs, ils ont accès à des vidéothèques et découvrent certaines pièces qui seraient restées cachées autrement. On leur offre une certaine interaction grâce aux technologies 3D.
3DN : Comment les technologies 3D impactent-elles votre travail ? Quel type de technologies 3D utilisez-vous ?
Nous avons utilisé la conception assistée par ordinateur pour visualiser les objets reconstruits comme la chaise de Hetepheres, mais aussi pour voir des sites complets comme la nécropole de Gizeh utilisée sous l’Ancien Empire. Pour des artefacts plus petits, nous avons utilisé des scanners 3D low cost et avons partagé les résultats sur Sketchfab. Dans un autre projet, nous avons restauré la tête manquante et le corps de l’un des deux lions du Temple d’Isthar dans l’ancienne ville de Nuzi.
Tous ces projets auraient pu être menés sans l’aide des technologies 3D mais cela aurait pris plus temps et aurait été beaucoup plus coûteux. Cela aurait même pu être dangereux sur des pièces plus fragiles.
3DN : Quels sont les technologies 3D utilisées pour restaurer les artefacts ?
Selon les projets, l’équipement n’est pas le même bien évidemment. Parmi les quelques machines utilisées, nous avons :
- Un scanner de bureau de la marque NextEngine,
- Un scanner MicroCT, le Nikon Metrology XTH 225 ST,
- Pour le lion Nuzi, nous avons utilisé des appareils photo reflex numériques et un logiciel de création d’images de LearningSites,
- Pour le projet du Louvre, nous avions un scanner à lumière sctructurée, Breukmaan, pour numériser deux statues colossales de Mésopotamie.
3DN : Quels autres avantages apportent les nouvelles technologies dans votre travail ?
Nous avons trouvé des momies d’oiseaux à côté de momies historiques. En les numérisant, nous avons pu « voir » à travers les bandelettes et identifier l’espèce momifiée. On aurait pu le faire en enlevant progressivement les bandelettes mais cela aurait pu détruire la pièce historique. En utilisant les technologies 3D, nous avons pu acquérir davantage de connaissances tout en préservant notre objet d’étude.
Les fragments du lion de Nuzi en terra cotta que nous avons rassemblés avaient été trouvés lors de fouilles menées par un des musées en Iraq en 1930 et gardés depuis dans leurs réserves. On pouvait les consulter pour effectuer des recherches mais ils ne pouvaient pas être exposés. Leur reconstitution numérique offre désormais cette possibilité ; les visiteurs peuvent voir comment le lion était 3 400 ans auparavant.
3DN : Dans quelles mesures pensez-vous que la restauration grâce à la 3D vous offre une perspective différente lorsque vous étudiez une œuvre d’art ?
Le projet Giza-3D est un parfait exemple. La spécificité de la création de la chaise de Hetepheres est que nous sommes allés dans la « direction opposée » c’est-à-dire que nous partis d’un modèle numérique d’un objet qui n’existait pas depuis 2 500 avant JC pour créer un objet physique réel. Les centaines de petits fragments découverts en 1925 étaient tout ce qu’il restait de la chaise – tout le bois s’est complètement détérioré. La reconstitution de l’apparence originale de la chaise a d’abord été possible grâce à des documents archéologiques très méticuleux. A partir de cela, nous avons créé le modèle 3D numérique et ensuite nous avons décidé d’utiliser une fraiseuse CNC pour sculpter physiquement une vraie chaise en bois de cèdre. Nous avons fabriqué et cuit de véritables carreaux de faïence et nous avons acheté des feuilles d’or pour compléter la dorure de l’objet.
Retrouvez tous les projets du Havard Semitic Museum sur le site officiel du musée.
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