L’intégration de l’impression 3D en milieu hospitalier
Au fil des années, l’impression 3D s’est peu à peu imposée dans le domaine médical. Orthopédie, ophtalmologie, dentaire ou encore traumatologie, nombreuses sont les spécialités qui ont aujourd’hui recours à la technologie pour optimiser leurs activités. Et pour cause. De par ses caractéristiques, la fabrication additive permet de concevoir tous types d’applications rapidement et à un moindre coût. Médicaments, semelles, orthèses, prothèses, guides chirurgicaux. On ne compte plus les différents cas d’usages de la fabrication additive dans le secteur de la santé. Mais alors que de plus en plus d’initiatives voient le jour, qu’en est-il de l’intégration de l’impression 3D en milieu hospitalier ? Entre avantages, challenges et limites, 3Dnatives revient pour vous sur la question, encore sujette à de nombreux débats auprès des professionnels, des patients, mais aussi du grand public.
Il y a maintenant plusieurs années, la fabrication additive s’invitait au sein des hôpitaux, et ce dans plusieurs pays. Aux États-Unis par exemple, l’organisme Statista, réalisant des statistiques sur divers thèmes, recensait en 2010 seulement 3 centres hospitaliers dotés d’installations internes d’impression 3D contre 113 en 2019. Une augmentation fulgurante, qui témoigne de l’intérêt du corps médical accordé à la technologie. De l’autre côté de l’Atlantique, en France notamment, la fabrication additive gagne également en popularité dans les CHU, notamment du côté de Brest et Besançon. Là-bas, la technologie est déployée pour différentes raisons, que ce soit pour aider les praticiens dans leurs choix thérapeutiques ou pour permettre aux patients de mieux comprendre leurs pathologies.
L’impression 3D hospitalière : des usages variés
« Entre gain de temps opératoires, développement de la chirurgie personnalisée et fabrication à faible coup, je vois peu de limite à la technologie en milieu hospitalier. C’est d’ailleurs pourquoi j’y crois beaucoup » confie Samuel Guigo, manipulateur radio et en charge des imprimantes 3D au CHU de Brest. Comme beaucoup, le praticien est séduit par les avantages offerts par la technologie. Car à l’instar des nombreuses industries ayant recours à l’impression 3D, la fabrication additive est utilisée à des fins variées dans les établissements de soins. Et en milieu hospitalier, l’usage principal est probablement la création de guides chirurgicaux. Aurélien Louvrier, chirurgien maxillo-facial au CHU de Besançon, explique : « Cela permet de se rassurer et d’envisager de manière plus sereine des interventions chirurgicales qui semblent aux premiers abords assez complexes. L’intervention chirurgicale est déjà réalisée virtuellement, on arrive au bloc opératoire avec moins d’appréhension. Grâce à la panification chirurgicale réalisée virtuellement et à l’impression 3D de modèles anatomiques, on peut parfaire l’analyse de chaque cas et envisager différentes stratégies opératoires. Une fois que l’on a choisi la solution la plus adaptée, on peut procéder sereinement à l’acte. De nombreux chirurgiens du CHU de Besançon se sont approprié cette technologie. Créée en janvier 2020, la plateforme I3DM réalise actuellement environ 150 planifications et impression 3D par an. »
Si l’impression de modèles 3D permet aux praticiens de mieux cerner les anatomies et pathologies, elle permet également aux patients de mieux de comprendre de quoi ils souffrent. En effet, avec une représentation physique de la pathologie, le personnel soignant est en mesure de présenter concrètement aux patients quels sont les problèmes et comment ils vont procéder pour essayer de les arranger. À Barcelone par exemple, au sein de l’hôpital spécialisé en pédiatrie Sant Joan de Déu, l’équipe chirurgical est, à l’aide des solutions de BCN3D, parvenue à retirer une tumeur dans la pommette d’un garçon de 11 ans. Une opération périlleuse qui a été facilitée par la planification et la simulation de l’acte chirurgical. Preuve que cette application permet de rassurer à la fois les chirurgiens et les patients, et contribue à améliorer la relation patient/praticien. Mais résumer l’intérêt de la fabrication additive en milieu hospitalier à cet effet serait trop réducteur.
Des bénéfices nombreux
Comme évoqué ci-dessus, la technologie offre aux praticiens la possibilité de s’exercer avant de pratiquer une opération. Et cet entraînement provoque logiquement une diminution des coûts pour les établissements de soins. Les différents chirurgiens ayant recours aux guides chirurgicaux imprimés en 3D expliquent que cette application permet de diminuer le temps opératoire tout en améliorant la précision, de ce fait, cela engendre une diminution du saignement, du risque infectieux voir du nombre de reprises chirurgicales. Un fait très important pour les établissements de soin, le bloc opératoire figurant parmi les plus grosses dépenses des hôpitaux. Le Dr. Louvrier précise : « C’est vraiment gagnant-gagnant, tout en améliorant la précision du geste chirurgical, cela permet de diminuer le temps opératoire. On ne crée pas de bénéfices financiers mais on fait des économies, si on gagne une heure de temps opératoire, l’économie est déjà faite. »
La fabrication additive en milieu hospitalier favorise également le développement de nouvelles approches thérapeutiques. S’ils sont la majorité du temps uniquement considérés comme des établissements de soin, les CHU sont également des lieux accordant une grande place à la recherche. Grâce aux capacités de l’impression 3D, permettant par exemple de concevoir des dispositifs médicaux sur mesure, à l’image des prothèses et des orthèses, ou encore des médicaments, de nombreux scientifiques espèrent d’ici les prochaines années être en mesure de proposer des soins mieux adaptés aux patients. Cependant, pour ce faire, certaines conditions sont nécessaires.
Un éco-système croissant
Comme l’on pourrait s’en douter, afin que l’impression 3D soit correctement intégrée en milieu hospitalier, il faut que ce soit un projet d’établissement. En effet, c’est que lorsque la direction décide de s’investir pleinement qu’un service de technologies 3D peut voir le jour. M. Louvrier revient sur les débuts de l’impression 3D au CHU de Besançon : « On s’est aperçu que beaucoup d’équipes utilisaient les technologies 3D, mais chacune de son côté. On a donc proposé à la direction de centraliser cette activité en se mettant aux normes d’un point de vue réglementaire. » Suite à ça, l’hôpital s’est consacré à la création de locaux et à s’équiper de matériel dédié respectant les normes permettant de concevoir des dispositifs médicaux. Depuis, des imprimantes 3D Ultimaker et Formlabs sont quotidiennement utilisées pour venir en aide aux praticiens. Pour s’en occuper, un ingénieur hospitalier à temps plein est dédié à cette activité.
Évidemment, intégrer des technologies comme le frittage sélectif par laser ou même des méthodes de fabrication traditionnelles est beaucoup plus compliqué pour un hôpital. En effet, ce type de procédé nécessite des locaux respectant de nombreuses normes, représentant un coût trop élevé pour les établissements de soin. C’est pourquoi, lorsqu’une pièce implantable, comme une plaque ou un implant sur-mesure, est nécessaire, les hôpitaux font appel à des industriels. Et même si une intervention tierce est obligatoire, le processus de fabrication est plus rapide. Les praticiens et l’ingénieur hospitalier peuvent modéliser eux-mêmes le dispositif médical, et ils envoient le fichier 3D à l’entreprise partenaire en charge de la conception. Grace à ce nouveau flux hybride de travail, il est possible d’obtenir plus rapidement un dispositif médical personnalisé et sur mesure.
Des limites à l’intégration de l’impression 3D en milieu hospitalier
Si l’impression 3D n’est aujourd’hui pas intégrée dans tous les hôpitaux, c’est parce que certains obstacles sont aujourd’hui toujours présents. Légèrement abordée auparavant, la règlementation est le principal défi qui se dresse devant la fabrication additive. M. Guigo explique : « L’aspect réglementaire et la capacité des hôpitaux à produire leurs propres dispositifs médicaux de façon certifiée fait partie des principales limites. On pourrait également citer le fait de nous-mêmes designer, imprimer et implanter un dispositif médical imprimé, sûrement à mes yeux l’évolution sur laquelle il faut tendre. »
En parallèle, la formation aux technologies 3D constitue également un frein à une totale démocratisation de l’impression 3D. À l’heure actuelle, trop peu de soignants ont l’opportunité de suivre des formations concernant les technologies 3D. C’est d’ailleurs pour cette raison que, toujours à Besançon, au sein de l’Université de Bourgogne Franche-Comté, un Diplôme Universitaire (DU) a été créé en 2020 pour pallier ce problème. Intitulé « DU I3DC », pour Impression 3D en Chirurgie, ce cursus comprend des cours théoriques, destinés à expliquer les différentes réglementations, et des cours pratiques, où les étudiants apprennent à modéliser et à imprimer des pièces en 3D. Ouvert aux ingénieurs et aux soignants, ce DU a pour vocation à généraliser la technologie dans le milieu hospitalier mais également libéral.
Vers une démocratisation de la technologie à l’hôpital ?
Et si la fabrication additive telle qu’on la connait se répand peu à peu, la bio-impression commence elle aussi à s’inviter dans les CHU. À Marseille, l’entreprise française Poietis, experte dans le développement de solutions de bio-impression, annonçait un nouveau partenariat avec le Laboratoire de Culture et Thérapie Cellulaire (LCTC). Ensemble, les deux sociétés ont pour objectif de fournir à l’AP-HM, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille, une plateforme permettant de concevoir des tissus biologiques implantables.
À termes, il y a de fortes chances que les technologies deviennent monnaie courante dans les hôpitaux. De par ses avantages, notamment en termes de coût et de rapidité, le potentiel des technologies 3D dans le milieu hospitalier semble immense. Il y a à peine un an, Samuel Guigo confiait à ce sujet « ne pas avoir encore idée de toutes les utilisations possibles de l’impression dans le secteur hospitalier. »
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*Crédits photo de couverture : Formlabs