menu

L’impression 3D de médicaments personnalisés avec goatAM

Publié le 18 février 2025 par Carla C.

Réinventer l’impression 3D dans le secteur pharmaceutique : c’est avec cette ambition que goatAM a vu le jour. Ses fondateurs s’appuient sur leur expertise en recherche pour concevoir des solutions dédiées à la fabrication de médicaments personnalisés, notamment des pilules imprimées en 3D. Grâce à cette approche novatrice, goatAM aspire à transformer l’accès aux traitements sur mesure, à placer le patient au cœur des soins et à démocratiser l’impression 3D. Nous avons échangé avec cette startup pour en savoir plus sur sa vision, ses technologies et les défis liés à l’impression 3D de médicaments.

3DN : Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours vers l’impression 3D ainsi que la création de goatAM ?

Nous sommes Tilmann Spitz (PDG & fondateur) et Fabian Loose (Directeur Technique & fondateur) de goatAM. Ingénieurs en génie mécanique formés à l’université technique de Cologne, nous avons mené des recherches au sein du laboratoire des systèmes de production. C’est là que nous avons découvert l’impression 3D et développé des systèmes et techniques spécifiques, principalement pour l’industrie. Nos travaux incluaient des imprimantes 3D à 6 axes, l’impression grand volume avec mousse polymère et des outils d’analyse assistés par IA pour le traitement des plastiques.

L’équipe de goatAM. À gauche : Fabian Loose; à droite : Tilmann Spitz. (Crédits photo : goatAm)

goatAM est née après l’achèvement de plusieurs projets universitaires. En 2018, l’université Heinrich Heine de Düsseldorf nous a sollicités pour explorer l’impression 3D de médicaments personnalisés. Bien que notre expertise soit alors centrée sur la construction mécanique, le sujet nous a rapidement captivés. Deux projets ont émergé de cette collaboration : l’un axé sur l’impression 3D de mono-pillules via une extrudeuse à vis pour une production centralisée, l’autre sur une approche FDM destinée à une fabrication décentralisée en pharmacie. Le succès du second projet, mené avec l’université de Düsseldorf et Merck KGaA, a suscité un vif intérêt, donnant naissance à goatAM et à la commercialisation de notre technologie.

3DN: Quelle technologie d’impression 3D et quels matériaux utilisez-vous pour les pilules imprimées en 3D ?

L’impression 3D de médicaments personnalisés repose sur diverses technologies, allant du jet de matière à la DMLS, en passant par FDM et SLS. Contrairement aux machines FDM classiques utilisant des bobines continues, nous avons développé des magasins spécifiques où les matériaux, déjà mélangés à la substance active, sont stockés et intégrés directement au processus d’impression.

L’imprimante de pilules 3D de l’entreprise. (Crédits photo : goatAm)

Ces matériaux sont fabriqués dans une extrudeuse à vis pharmaceutique, comme pour les polymères courants tels que l’ABS ou le PLA. Cependant, les polymères que nous utilisons sont spécialement conçus pour être mélangés à des substances actives et métabolisés par l’organisme. Leur sélection se fait avec soin afin d’éviter toute réaction indésirable avec le principe actif. Un exemple fréquemment utilisé en recherche est l’Eudragit d’Evonik, bien qu’il ne soit pas compatible avec toutes les substances actives.

Dans le cadre d’un projet mené avec l’Université technique de Cologne, l’Université de Düsseldorf et Merck, ce dernier a développé un polymère innovant compatible avec un large éventail de principes actifs. Toutefois, certains composés ne pouvant être transformés en solides, nous avons élargi notre système aux semi-solides afin d’accroître encore la diversité des substances traitables.

3DN: Quels sont les avantages de votre imprimante 3D de pilules et par qui les pilules imprimées en 3D peuvent-elles être utilisées ?

Les pilules imprimées en 3D offrent des avantages considérables par rapport aux comprimés classiques. Elles permettent un dosage précis sans modifier le matériau et offrent un contrôle ciblé de la libération du principe actif. En ajustant le rapport surface/volume, on peut réguler la vitesse d’absorption : une surface plus grande libère davantage de substance simultanément. De plus, il est possible d’intégrer plusieurs principes actifs dans une seule pilule, réduisant ainsi le nombre de comprimés à prendre. Cette innovation est particulièrement bénéfique pour les patients âgés, améliorant leur confort et leur observance du traitement.

Notre système d’impression se distingue par sa capacité à être utilisé directement au point de soins, comme dans les hôpitaux ou les pharmacies. Pour cela, nous avons mis au point un procédé de nettoyage optimisé, minimisant les temps d’arrêt lors des changements de matériau, rendant ainsi l’intégration en pharmacie plus rentable. De plus, notre imprimante intègre un contrôle de qualité unique, basé sur l’IA. Grâce à de nombreux capteurs, nous pouvons évaluer en temps réel si le comprimé respecte les spécifications. Si ce n’est pas le cas, les paramètres d’impression sont automatiquement ajustés pour garantir la conformité du produit final.

L’impression 3D d’une pilule. (Crédits photo : goatAm)

Il reste du chemin avant que nos systèmes d’impression ne soient déployés à grande échelle en pharmacie. Dans un premier temps, ils seront utilisés pour le développement de médicaments, les études cliniques et en milieu hospitalier. Leur application en pédiatrie et en oncologie est particulièrement prometteuse. Chez les enfants, le métabolisme évolue très rapidement, rendant essentielle la production flexible de petits lots personnalisés. En oncologie, même de légères variations de dosage peuvent avoir un impact majeur sur l’efficacité du traitement et les chances de guérison.

3DN: Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels ont été vos projets les plus passionnants jusqu’à présent ?

Nous disposons actuellement d’un prototype dont les performances ont été validées en laboratoire. Nous travaillons maintenant à le transformer en un produit commercialisable, en réduisant sa taille pour en faire un appareil de bureau et en optimisant son utilisation afin de l’intégrer facilement dans le quotidien des pharmaciens et préparateurs. Côté conception, nous affinons les sous-ensembles pour faciliter la production en série à moindre coût. En parallèle, nous développons notre stratégie de marketing et de distribution, tout en recherchant des clients pour tester et perfectionner nos systèmes. Enfin, nous collaborons avec de nouveaux partenaires et fournisseurs, notamment pour les filaments contenant des principes actifs, afin d’élargir à terme notre offre de médicaments imprimés en 3D.

(Crédits photo : goatAm)

Nous avons eu l’opportunité de faire partie d’un consortium avec l’université Heinrich Heine de Düsseldorf et Merck KGaA dans le cadre d’un projet de recherche financé par le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche. Ce projet nous a permis de couvrir presque l’ensemble de la chaîne de production. Tandis que Merck a développé des polymères spécialisés pour l’impression 3D pharmaceutique et l’université de Düsseldorf a intégré les principes actifs dans ces polymères, nous nous sommes concentrés sur le développement de l’imprimante pour traiter ces matériaux. Cela nous a permis de coordonner parfaitement les différentes étapes.

De plus, nous participons actuellement à plusieurs groupes de réflexion sur la manière d’évaluer la valeur d’un comprimé imprimé en 3D. Étant donné les nombreux avantages de cette technologie par rapport aux méthodes traditionnelles, ces bénéfices doivent être intégrés dans un modèle de coûts. Par exemple, des économies sur les délais de rétablissement ou la réduction des traitements secondaires liés aux effets secondaires peuvent justifier un prix unitaire plus élevé pour ces comprimés.

3DN: Quels sont les défis de l’impression de pilules en 3D et comment souhaitez-vous optimiser le système de santé avec votre imprimante 3D ?

Nos efforts se sont principalement concentrés sur trois aspects : les exigences liées à la substance active, la facilité de nettoyage de la machine et le contrôle de la qualité. Dans l’impression 3D classique, il est déjà bien connu que chaque matériau présente des défis spécifiques. Dans notre cas, il est important de maîtriser les températures auxquelles l’agent est exposé et la durée pendant laquelle il reste à l’état fondu, afin d’éviter toute dégradation.

Le nettoyage du système est tout aussi essentiel. Il ne doit en aucun cas y avoir de résidus de substance active provenant des productions précédentes. Ainsi, le processus de nettoyage doit être rigoureux, tout en restant rapide, ce qui a constitué un défi important à résoudre. Enfin, il est primordial de garantir que la quantité exacte de substance active soit présente dans chaque comprimé. Pour ce faire, nous avons intégré de nombreux capteurs, y compris des cellules de pesée, permettant d’ajuster les paramètres du processus et d’assurer que chaque comprimé respecte les spécifications requises.

(Crédits photo : goatAm)

La médecine personnalisée représente assurément l’avenir des soins aux patients. Certains grands groupes pharmaceutiques prévoient même qu’à partir de 2030, toutes les nouvelles thérapies seront conçues pour être individualisées. Cependant, ces thérapies, aussi efficaces soient-elles, ne peuvent être bénéfiques que si elles sont distribuées de manière rentable. Les systèmes de production actuels, conçus pour fabriquer des centaines de milliers de comprimés à la fois, ne sont pas adaptés à l’individualisation. Actuellement, la seule alternative consiste à fabriquer manuellement les médicaments, une méthode coûteuse et difficile à déployer à grande échelle en raison du manque de personnel qualifié.

Notre système d’impression 3D offre justement une solution : la production simple et économique de médicaments, directement là où ils sont nécessaires. Nous voyons donc notre technologie comme une véritable porte d’entrée, un outil que médecins, pharmaciens et préparateurs peuvent utiliser pour développer de nouvelles thérapies et offrir à chaque patient les soins personnalisés qu’il mérite.

3DN: Avez-vous un dernier mot à dire à nos lecteurs concernant les objectifs à long terme de goatAM ?

Comme mentionné précédemment, nous sommes en train d’optimiser le prototype pour en faire un produit commercialisable, avec pour objectif de terminer ce travail d’ici un an. Nous prévoyons de lancer notre produit sur le marché dans un délai de 18 mois. Initialement, nous visons un déploiement en Europe, tout en gardant un œil sur les marchés mondiaux, notamment les États-Unis et l’Asie, qui sont des cibles stratégiques. Dans un premier temps, le système sera principalement utilisé par des instituts de recherche, des entreprises pharmaceutiques et des pharmacies hospitalières.

Dans environ cinq ans, nous espérons voir son adoption dans les pharmacies d’approvisionnement et les pharmacies publiques. D’ici là, nous travaillerons sur une version 2 et explorerons d’autres domaines d’application, tels que les compléments alimentaires personnalisés ou la médecine traditionnelle en Asie, qui sont des secteurs particulièrement prometteurs.

À l’avenir, goatAM souhaite également conquérir le marché asiatique et américain. (Crédits photo : goatAm)

Notre rêve est de pouvoir un jour offrir à tous les patients des traitements personnalisés grâce à des comprimés imprimés en 3D. Dans ce futur, notre système d’impression serait disponible dans les pharmacies locales. En cas de maladie, les patients consulteraient leur médecin, qui analyserait leur métabolisme à l’aide d’un test simple. Le médecin prescrirait alors le médicament et le dosage appropriés sur une ordonnance. Les patients pourraient transmettre cette ordonnance à la pharmacie de leur choix. Le pharmacien insérerait les matériaux dans l’imprimante, chargerait les données de l’ordonnance et lancerait l’impression. Quelques minutes plus tard, les médicaments seraient prêts à être récupérés. Idéalement, les patients pourraient repartir avec leurs comprimés personnalisés immédiatement après leur consultation. Pour concrétiser ce scénario, nous ne nous contentons pas de développer des imprimantes 3D, mais collaborons également avec des entreprises pharmaceutiques pour fournir les matériaux nécessaires et offrir un accompagnement aux pharmacies pour le développement de formules personnalisées.

Le secteur pharmaceutique reste malheureusement très conservateur, ce qui génère souvent des obstacles, notamment lorsqu’il s’agit d’introduire de nouvelles technologies et méthodes de production. De plus, le développement de matériel est un processus long et complexe. Notre priorité actuelle est de trouver des investisseurs et des partenaires prêts à nous accompagner dans cette aventure. Nous recherchons surtout des visionnaires intéressés par l’application de notre technologie dans d’autres secteurs, comme la médecine vétérinaire ou la fabrication d’implants actifs. Nous espérons finaliser notre levée de fonds rapidement pour pouvoir nous concentrer pleinement sur le développement et le lancement commercial. Pour en savoir plus sur goatAM, cliquez ICI.

Que pensez-vous de l’impression 3D personnalisée de pilules de goatAM ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires de l’article. Vous êtes intéressés par l’actualité de l’impression 3D médicale et dentaire ? Cliquez ICI.Vous pouvez aussi nous suivre sur Facebook ou LinkedIn !

*Crédits photo de couverture : goatAM

Partagez vos impressions

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

de_DEen_USes_ESfr_FRit_IT

3Dnatives is also available in english

switch to

No thanks