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Comment l’impression 3D remodèle-t-elle l’industrie de la lingerie ?

Publié le 12 mai 2025 par Mélanie W.
lingerie impression 3D

La lingerie est un domaine traditionnellement associé à la délicatesse, au tissage, au soin méticuleux dans le choix des bonnets, à la dentelle et surtout, au savoir-faire artisanal. Tout cela peut, sous différentes formes, être reproduit grâce à l’impression 3D. En fait, la fabrication additive n’est qu’un outil de plus entre les mains des stylistes pour créer des vêtements non seulement esthétiques, mais aussi confortables.

Mais quel est le rôle concret de la fabrication additive quand il s’agit de lingerie ? Quels sont les procédés utilisés, par quels stylistes, pourquoi et comment ? Quels sont les avantages et les difficultés que rencontre le secteur ? Et surtout, quelles sont les perspectives d’avenir ? Peut-on s’attendre à une croissance de l’impression 3D dans l’industrie de la lingerie ou est-ce plutôt un marché de niche ? On vous dit tout !

Le mannequin porte le soutien-gorge Interlaced Rosette Bra de uniphorm (crédits photo : uniphorm via Instagram).

Qu’est-ce que la lingerie ?

Si la définition de la lingerie est claire, il convient de préciser de quoi nous allons parler dans notre article quand on la combine avec l’impression 3D. On se concentrera davantage sur les sous-vêtements conçus par fabrication additive, notamment des soutiens-gorge, des corsets et des culottes. La lingerie imprimée en 3D peut avoir différentes finalités : artistique, lorsqu’elle est créée par des stylistes et des designers et qu’elle a pour but d’être présentée sur les podiums des défilés de mode ; sportive, utile pour rendre l’expérience de l’athlète de plus en plus personnalisée ; médicale, dans les cas où il est nécessaire de recréer des bonnets pour aider celles qui ont subi une mastectomie ou pour égaliser les asymétries naturelles de la poitrine.

Histoire et applications de la lingerie imprimée en 3D

La première apparition médiatique emblématique de l’impression 3D dans le monde de la lingerie a été le défilé de mode Victoria’s Secret de 2013. Le mannequin Lindsay Ellingson a laissé le public bouche bée lorsqu’elle a gracieusement défilé en portant une tenue faite sur mesure pour elle, composée d’un corsage, d’un chapeau et d’ailes, tous fabriqués grâce à l’impression 3D. Cette réalisation est le fruit d’une collaboration entre la célèbre marque Victoria’s Secret et la société Shapeways, qui a recréé le design créé par Bradley Rothenberg. Les pièces, obtenues à partir de scans 3D pour adhérer parfaitement au corps du mannequin, ont été imprimées en nylon avec la technologie SLS, puis embellies de milliers de cristaux Swarovski.

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À gauche, la mannequin Lindsay Ellingson, portant l’ensemble de lingerie imprimé en 3D lors du défilé ; à droite, le même corsage imprimé en 3D (crédits photo : designboom/ Shapeways)

Depuis 2015, la lingerie imprimée en 3D est devenue de plus en plus accessible et a commencé à se répandre chez différents stylistes. L’une des premières à se concentrer sur la création de soutiens-gorge à l’aide des technologies d’impression 3D est Lidewij van Twillert, la créatrice néerlandaise qui a lancé en 2015 sa première collection intitulée Mesh Lingerie, conçue dans le cadre d’un projet étudiant. Dans celle-ci, la styliste présentait un soutien-gorge composé d’éléments décoratifs extrudés avec l’imprimante FDM Ultimaker 2, qui étaient assemblés à la main et cousus avec les différentes pièces de tissu.

Dans le sillage de Victoria’s Secret, de nombreux autres projets ont pris forme au fil des ans dans le but non seulement de se montrer sur les podiums de la mode, mais aussi de créer un fort impact médiatique. Un exemple en est certainement l’entreprise Chromat qui, en 2016, a fait avancer le secteur en présentant la collection Momentum. Le défilé a été ouvert par un mannequin portant un sous-vêtement hyper-technologique : le Chromat Aeros Sports Bra. Il s’agit d’un soutien-gorge de sport composé de Lycra, de mesh, un tissu tridimensionnel rappelant la maille d’un pull-over, de néoprène et enrichi de pièces respirantes imprimées en 3D dans un alliage à mémoire de forme. Les scans du modèle, qui ont donné forme au soutien-gorge, ont été obtenus à l’aide du logiciel itSeez3D. Mais ce n’est pas tout. La technologie Intel a également été intégrée au soutien-gorge de sport Chromat Aeros, ce qui permet au vêtement de réagir à la transpiration et à la température du corps du mannequin.

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Le Chromat Aeros Sports Bra (crédits photo : Chromat)

L’impression 3D a donc permis à de nombreux designers de libérer leur créativité grâce à une combinaison de différentes technologies et d’expérimentations côté matériaux. En 2017, Jessica Leigh Haunghton a lancé sa marque The Silicone Body, dans laquelle elle a présenté la collection Bare Baux Intimates. Pour fabriquer ses pièces de lingerie, comme les soutiens-gorge et les culottes, elle a utilisé du silicone qu’elle a imprimé en 3D directement sur un tulle, lui aussi transparent. Le silicone a été imprimé par la créatrice en suivant des géométries entrelacées au caractère futuriste.

Par la suite, on a assisté à une résurgence de l’impression 3D dans les médias parmi les célébrités américaines. Les travaux du designer Nusi Quero sont célèbres à cet égard. Grâce à l’impression 3D, il a créé non seulement un body dur au design futuriste pour Kylie Jenner en 2021, mais aussi le body emblématique porté par Beyoncé en 2022 sur la photo de couverture de son album Renaissance, qui est resté en tête des ventes pendant 14 semaines consécutives. Tous deux ont été réalisés en résine souple pour créer ce que le designer lui-même décrit comme des « œuvres d’art portables ».

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Kyle Jenner et Beyoncé portant des vêtements créés par Nusi Quero (crédits photo : Nusi Quero via Instagram).

Nous avons déjà évoqué le fait que l’impression 3D n’est pas seulement utile pour créer des sous-vêtements à la mode. L’année où Beyoncé a porté son justaucorps pour rendre son album plus attrayant, ONEBra, une entreprise italienne d’un autre genre, spécialisée dans les biomatériaux et la fabrication additive, a vu le jour. Elle fabrique des bonnets personnalisés imprimés en 3D en TPU et TPE à l’aide de la technologie Multi Jet Fusion (la technologie FDM est également utilisée pour certaines parties du bonnet). Ces bonnets peuvent être insérés dans des soutiens-gorge en tissu et aider ainsi les personnes ayant subi une mastectomie. L’asymétrie des seins provoquée par cette intervention chirurgicale entraîne en effet de nombreuses difficultés, souvent d’ordre psychologique pour les patientes.

Il est évident que la lingerie, qui peut être conçue à des fins différentes, est un vêtement aux formes et aux facettes multiples. En plus de combiner confort et design, elle peut évoluer vers des vêtements hybrides qui combinent des éléments de corsets et de soutiens-gorge, se transformant parfois en œuvres d’art uniques. À cet égard, Stephanie Santos da Costa est une créatrice remarquable qui propose des pièces de lingerie artistique uniques aux lignes délicates et élégantes. Il s’agit d’une créatrice spécialisée dans l’impression 3D appliquée à la mode, avec un intérêt particulier pour la mode numérique, la mode IA, la production de tissus imprimés en 3D et la mode durable. En 2023, elle a ouvert sa boutique en ligne Santos 3D Intimates, où elle vendait ses créations. La gamme de produits disponibles à l’achat comprend des soutiens-gorge, des bralettes (soutiens-gorge sans armatures), des tops, des corsets et des culottes aux formes délicates et aux designs modernes et élégants.

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Crédits photo : Stephanie Santos da Costa

Bien que plus d’une décennie se soit écoulée depuis le défilé emblématique de Victoria’s Secret, la lingerie imprimée en 3D n’a pas cessé de fasciner et est restée un choix viable pour de nombreux créateurs et stylistes. La dernière marque dont nous avons entendu parler est uniphorm, fondée en janvier dernier par la styliste Yasmina Khan et deux experts en modélisation 3D et en personnalisation. La marque combine l’apprentissage automatique et l’impression 3D pour fabriquer des sous-vêtements sur mesure tels que des soutiens-gorge et des corsages. Sur ses réseaux sociaux, elle présente le processus de création de ses pièces, du modèle CAO sur Grasshopper à l’impression et à la finition. Du défilé de Victoria’s Secret au défilé virtuel des médias sociaux, la lingerie imprimée en 3D n’a cessé depuis 2013 de capter l’attention d’un large public et de susciter de plus en plus d’intérêt.

Comment fabrique-t-on de la lingerie grâce à l’impression 3D ?

Après avoir exploré les différentes applications de l’impression 3D dans le monde de la lingerie, voyons maintenant en détail comment ces vêtements sont fabriqués et quels sont les éléments qui peuvent être imprimés en 3D. Le processus de création d’un vêtement de lingerie imprimé en 3D tend à suivre un flux de travail commun. Il commence par la création d’un croquis au crayon du modèle, après quoi les données relatives aux mesures du corps du mannequin sont collectées à l’aide d’outils de numérisation 3D.

Le Interlaced Rosette Corset de uniphorm (crédits photo : uniphorm via Instagram) 

Après avoir recueilli les données, un modèle CAO est créé. Dans le cas des soutiens-gorge, les bonnets ou les armatures peuvent être dessinés ; dans le cas des corsets, la structure entière peut être recréée, mais divisée en plusieurs sections distinctes. Cette conception CAO est manipulable et peut être personnalisée pour répondre aux besoins du concepteur ou du modèle. Ces pièces sont ensuite imprimées en 3D et chaque styliste choisit la technologie la mieux adaptée à ses besoins.

Après avoir été imprimées, les pièces doivent être traitées à l’aide de techniques de post-traitement spécifiques. Par exemple, les bonnets de soutien-gorge utilisés dans une autre collection Chromat, appelée Formula 15, ont d’abord été polis, puis soumis à un lissage à la vapeur pour éliminer les imperfections de la surface.

The Silicone Body (crédits photo : Bare Bau Intimates)

La dernière étape est l’assemblage, qui diffère selon la conception de chaque vêtement de lingerie. Il se fait souvent à la main, en doublant la pièce imprimée en 3D d’un tissu doux, qui peut être du coton, du satin ou de la soie, et qui sera modelé pour donner vie au vêtement. Toutefois, les pièces peuvent être collées soit en utilisant l’impression 3D FDM, soit un stylo 3D. Le processus d’assemblage dépend principalement du matériau utilisé. Dans le cas de The Silicone Body, les pièces en silicone sont cousues à l’aide d’une imprimante 3D qui extrude le matériau au fur et à mesure que le silicone durcit.

Dans la grande majorité des cas, les matériaux utilisés sont le nylon, le TPU ou le PLA, auxquels on donne différentes épaisseurs en fonction des exigences de conception et d’assemblage. Pour les soutiens-gorge, le processus de couture reste presque traditionnel car ils sont davantage composés de tissus souples. Dans le cas des corsets, ceux qui se présentent sous une forme rigide et qui ne comportent pas de trous, ne peuvent parfois pas être assemblés avec du fil et une aiguille, mais les parties sont reliées à l’aide de lacets ou de ceintures.

Mais combien d’heures de travail sont nécessaires pour créer un soutien-gorge ou un corset imprimé en 3D ? Stephanie Santos da Costa nous a expliqué : « La fabrication est un véritable défi. Le soutien-gorge Mycena 3D (taille XS-S) nécessite environ 8 heures d’impression et 2 heures pour nettoyer les pièces, les assembler à l’aide du stylo 3D et ajouter les rubans à la machine à coudre. Le corset Magnolia 3D nécessite environ 16 heures d’impression et 3 heures pour le nettoyage, l’assemblage, la couture de la fermeture éclair arrière et la finition de l’intérieur. » Bref, ce n’est pas un petit travail, ce qui justifie aussi, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, son coût pour le public.

Avantages et défis de l’impression 3D dans l’industrie de la lingerie

L’impression 3D présente de nombreux avantages pour les stylistes. Tout d’abord, il n’y a pas de limite à la créativité artistique, et le type de vêtement produit peut aller de la culotte en silicone au soutien-gorge de sport hyper-technologique ou au body rigide porté par les célébrités préférées du public. En fait, la raison qui pousse le designer à employer les technologies 3D est sans doute le haut degré de personnalisation qu’elles offrent, à la fois en termes de conception et de production. En outre, les déchets sont limités, augmentant ainsi la durabilité du vêtement.

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La texture du silicone utilisé par Bare Baux Intimates. Les autres technologies peuvent difficilement recréer des formes aussi précises et délicates avec du silicone. (crédits photo : Bare Baux Intimates via Instagram)

L’industrie est toutefois heurtée à certains obstacles. Étant donné qu’il s’agit de pièces artisanales, elles nécessitent un investissement considérable en temps et en argent. Par conséquent, le prix de vente au détail des vêtements de lingerie imprimés en 3D commence à un minimum de 90 euros, comme dans le cas du soutien-gorge THE SILK BALCONETTE d’uniphorm, et atteint près de 300 euros pour les corsets de la créatrice Stephanie Santos da Costa. Actuellement, principalement en raison de la diffusion massive des produits de la « fast fashion », les articles de lingerie peuvent être achetés à des prix beaucoup plus bas, ne dépassant parfois pas 50 euros pour un ensemble complet.

La styliste Stephanie Santos da Costa l’a confirmé en décidant de fermer son commerce électronique cette année même. Elle explique : « J’ai dû fermer l’entreprise pour des raisons personnelles et à cause d’un environnement commercial difficile qui rend très difficile la survie dans l’industrie de la mode et de la joaillerie. » Mais ce n’est pas tout. Selon la créatrice Yasmina Khan, les problèmes de l’industrie ne sont pas seulement de nature économique, mais aussi liés aux questions de genre. « Les principales difficultés que j’ai rencontrées dans ce domaine ont été de trouver les fonds nécessaires à l’ouverture de la marque », nous a confié la créatrice, « Pour une raison ou une autre, les femmes reçoivent beaucoup moins d’argent des investisseurs que les hommes. C’est pourquoi j’ai lentement construit ma marque moi-même et il m’a fallu beaucoup de temps pour démarrer ! »

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Les pièces artistiques et polyvalentes de Stephanie Santos da Costa (crédits photo : Stephanie Santos da Costa)

Cependant, bien que le marché de la mode soit encore dominé par de grands groupes industriels et que les difficultés liées au genre se fassent sentir dans ce secteur, l’impression 3D représente sans aucun doute un outil permettant aux petites marques de diversifier et de décentraliser la production, offrant ainsi des alternatives artisanales et durables à la fast fashion. De plus, la persévérance avec laquelle ce secteur, malgré toutes les difficultés, continue d’attirer les créateurs, en particulier les femmes, augure d’un besoin croissant d’un retour à l’artisanat, mais aussi d’une représentation plus forte et plus cohérente des femmes. L’avenir de la lingerie imprimée en 3D dépendra aussi positivement du développement des technologies de fabrication additive. Actuellement, la plupart des pièces imprimées en 3D utilisent des polymères techniques, mais la prochaine étape pourrait être l’introduction de filaments à base de fibres naturelles telles que le coton ou la soie, ce qui permettrait d’obtenir des vêtements plus doux, plus respirants et biodégradables, sans sacrifier la personnalisation garantie par cette technologie.

Que pensez-vous de l’utilisation de l’impression 3D dans le secteur de la lingerie ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires de l’article. Vous pouvez nous suivre sur Facebook ou LinkedIn !

*Crédits photo de couverture : The Silicone Body

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