Impression 3D et propriété intellectuelle : les lois actuelles sont-elles adaptées ?
L’impression 3D, comme toute autre industrie, est confrontée à des questions de propriété intellectuelle à tous les niveaux. Cela va des amateurs et hobbyistes qui doivent respecter les droits d’auteur lorsqu’ils téléchargent et partagent des fichiers de conception, aux multinationales qui protègent leurs découvertes scientifiques par des brevets et leurs modèles de commercialisation par des marques déposées. Ces profils ne sont pas touchées de la même manière par ces lois : celles qui ont un intérêt plus important (monétaire ou autre) dans la propriété intellectuelle s’exposent à des répercussions plus importantes si elles ne respectent pas les réglementations. De nombreuses personnes et organisations considèrent que les lois favorisent parfois exagérément les grandes entreprises au détriment des plus petites et des particuliers, et cherchent à les réformer pour rendre le secteur plus équitable. Nous examinerons ici les différents points de vue sur cette question, ainsi que les personnes et les institutions impliquées de part et d’autre du débat.
Pour étudier la propriété intellectuelle et sa relation avec l’impression 3D, nous devons d’abord définir les termes. L’Organisation mondiale du commerce définit la propriété intellectuelle comme « les droits accordés aux personnes sur les créations de leur esprit« . Elle se divise en deux catégories : le droit d’auteur, qui confère des droits de propriété sur les créations originales (réalisées par des personnes ou des entreprises dans le cadre de leur travail) et la propriété intellectuelle industrielle, qui comprend les marques, les brevets et les secrets commerciaux. Examinons de plus près chacune de ces catégories pour en comprendre la signification.
Propriété intellectuelle et impression 3D : comprendre les termes clés
Qu’est-ce que le droit d’auteur ?
L’origine du droit d’auteur remonte à la Grande-Bretagne du XVIe siècle. Des tentatives de normalisation ont eu lieu avec la Convention de Berne, ratifiée en 1887, qui a vu dix États signataires accepter la protection automatique des œuvres créées pendant 50 ans après la mort de l’auteur. Plus récemment, la législation européenne sur le droit d’auteur offre une protection de 70 ans après la mort de l’auteur et accorde des droits économiques (contrôle de l’œuvre et rémunération) et des droits moraux (droit d’attribution et droit à l’intégrité). Aux États-Unis, la situation est similaire : les œuvres créées après 1978 avec un auteur connu sont protégées par le droit d’auteur pendant 70 ans à compter de la mort de l’auteur, ce que l’on appelle communément « life + 70 ». Ces lois sur le droit d’auteur s’appliquent bien entendu aux dessins imprimés en 3D : elles peuvent protéger le fichier à partir duquel les impressions sont réalisées. Il convient de préciser que la protection du droit d’auteur s’applique aux aspects esthétiques ou de conception d’une pièce ; les objets utiles ou les composants utiles d’objets ne sont pas protégés par le droit d’auteur, mais peuvent l’être par des brevets et des secrets commerciaux.
Production industrielle : les brevets
Les autres aspects du droit de la propriété intellectuelle concernent la production industrielle. Un brevet est une forme de protection des œuvres qui est accordée, entre autres, aux machines et aux procédés qui sont nouveaux, non évidents, décrits de manière adéquate et clairement revendiqués par l’auteur. Le premier brevet moderne enregistré a été délivré à Florence en 1421 et, aujourd’hui, il existe en abondance dans les industries manufacturières, y compris l’impression 3D. Une fois la demande de brevet approuvée par l’organisme de tutelle, pendant 20 ans à compter du dépôt de la demande, les tiers doivent demander une licence pour fabriquer, utiliser ou vendre l’invention. Cette protection est accordée en échange de la divulgation de l’invention.
Les brevets sont mutuellement avantageux pour les deux parties : le créateur est incité financièrement à innover et les chercheurs externes peuvent se concentrer sur de nouvelles créations en utilisant les connaissances acquises grâce à la publication obligatoire du brevet. Les brevets ne sont pas universels, mais les parties qui souhaitent obtenir une protection internationale par brevet peuvent déposer une demande unique en vertu du traité de coopération en matière de brevets (PCT), administré par l’OMPI. Cette demande de brevet unique s’applique à plus de 150 pays parties au traité – appelés États contractants – dont les États-Unis, le Canada, une grande partie de l’Afrique et la quasi-totalité de l’Europe, ainsi que la Chine, un acteur majeur sur le marché de l’impression 3D.
L’OMPI et son homologue européen, l’OEB (Office européen des brevets), ont été créés dans les années 1980 pour simplifier la procédure de délivrance des brevets. De nombreuses entreprises d’impression 3D bénéficient aujourd’hui du PCT pour protéger leurs brevets dans plusieurs pays, qu’il s’agisse de fabricants de solutions comme Stratasys et General Electric, ou d’entreprises qui utilisent ces solutions comme Boeing et Airbus.
Secrets industriels
Les entreprises qui souhaitent protéger leurs innovations, mais qui ne sont pas brevetables ou qu’il vaut mieux ne pas divulguer, peuvent en faire des secrets commerciaux ou industriels. Ceux-ci peuvent être protégés par des contrats juridiquement exécutoires, tels que les accords de non-divulgation (NDA), et présentent l’avantage, par rapport aux brevets, d’être gratuits, puisqu’aucun enregistrement n’est nécessaire, et de pouvoir durer indéfiniment. L’un des exemples les plus connus en dehors de l’impression 3D est la recette de Coca-Cola, secrète depuis 1891. Dans le cadre de l’impression 3D, les accords de non-divulgation sont utilisés (entre autres) par les services d’impression, dont il sera question plus loin dans cet article.
Les marques
Les marques constituent un autre aspect du droit de la propriété intellectuelle. Une marque est un signe qui distingue les produits d’une entreprise de ceux d’une autre, et elle est normalement détenue par l’entreprise qui l’utilise. Un exemple bien connu dans ce domaine est l’impression FDM/FFF ; alors que la technologie est officieusement connue sous le nom de FDM, ce terme a en fait été enregistré comme marque de Stratasys en 1991 après sa mise au point par le cofondateur Scott Crump. En cas de contrefaçon de marque, l’autre partie (le plaignant) peut intenter une action en justice pour obtenir des dommages-intérêts. En théorie, les entreprises d’aujourd’hui doivent encore éviter d’utiliser le terme « FDM » au profit de « FFF » ou « extrusion », car la marque est toujours active, tandis que le brevet a expiré en 2009.
Droit d’auteur et impression 3D
La loi sur le droit d’auteur concerne souvent les fabricants individuels dans le monde de l’impression 3D, y compris les fichiers de conception créés par les créateurs sur des sites hôtes tels que Thingiverse, Cults, MyMiniFactory et Printables. Ces sites ont connu un regain de popularité ces dernières années, Thingiverse passant de 2,3 millions à 6,2 millions d’utilisateurs entre 2018 et 2022.
Les fichiers sur ces sites sont proposés sous un certain nombre de licences, dont Creative Commons. Il s’agit de licences publiques de droit d’auteur supervisées par l’organisation à but non lucratif éponyme, qui sont reconnues dans le monde entier. Ces six licences permettent aux créateurs de revendiquer explicitement des droits légaux sur leurs œuvres tout en permettant à d’autres de bénéficier de ces créations. Dans le cas des sites web d’impression 3D, il s’agit de fichiers maillés à partir desquels il est possible de réaliser des impressions.
Les utilisateurs peuvent choisir d’autoriser ou non l’utilisation commerciale et les adaptations (« dérivés ») de leur œuvre en fonction de l’usage qu’ils souhaitent faire du fichier. CC Australia propose d’ailleurs aux détenteurs de droits d’auteur un organigramme interactif pour les aider à choisir la licence la plus appropriée en fonction de leurs souhaits.
Il est important de ne pas perdre de vue la situation dans son ensemble : des millions de personnes utilisent ces sites web de fichiers d’impression 3D et, dans la plupart des cas, les lois sur le droit d’auteur ne sont pas respectées. Nous nous sommes entretenus avec Andrew Stockton, du site de modélisation 3D Titancraft, l’un des principaux créateurs sur Thingiverse en termes de fichiers téléchargés. Tout d’abord, il explique que son choix de licence Creative Commons dépend de la raison pour laquelle il a créé le fichier. « Si j’ai créé l’objet pour m’amuser, j’utilise la licence CC0 ou Attribution. Si je n’ai pas l’intention de gagner de l’argent avec, je laisse les gens faire ce qu’ils veulent avec. S’il s’agit d’un objet lié à mon activité (les figurines de jeu), j’utilise la licence No Commercial.«
Comme on le voit, les lois sur la propriété intellectuelle affectent les acteurs de l’impression 3D différemment selon leur business. Comme les modèles d’impression 3D de M. Stockton ont une valeur de personnalisation plutôt que le fichier lui-même, il est moins affecté par les personnes qui choisissent de les utiliser sans attribution, mais pour quelqu’un dont l’activité concerne les fichiers eux-mêmes, la violation des lois sur le droit d’auteur est un problème beaucoup plus important. Il est important de se rappeler que l’intérêt de chacun diffère selon les circonstances.
De son côté, l’autre utilisateur peut être beaucoup plus inquiet en fonction de l’entité dont il utilise les fichiers. Ils seraient probablement beaucoup plus attentifs s’ils utilisaient du matériel sous licence d’une grande organisation que d’un particulier (ce qui est courant : en 2017, Disney a suscité un débat après avoir demandé le retrait des fichiers Star Wars de Thingiverse, et en 2022, Honda a demandé la même chose au fabricant d’imprimantes 3D Prusa pour tous les fichiers portant le nom de ce dernier). Néanmoins, un rapide coup d’œil sur Thingiverse montre aujourd’hui de nombreux fichiers portant des logos de marques déposées, ce qui laisse penser que la loi n’est pas appliquée de la même manière à tous les utilisateurs.
Quand les allégations d’atteinte au droit d’auteur débouchent sur une action en justice
Avec la croissance des sites, les préoccupations en matière de propriété intellectuelle se sont accrues en conséquence. Alors que la plupart des utilisations quotidiennes des fichiers se déroulent sans incident, le monde de l’impression 3D a connu des situations très médiatisées de batailles juridiques complexes impliquant la loi sur le droit d’auteur. En 2017, un scandale a éclaté lorsque Just 3D Print a pris plusieurs fichiers STL de Thingiverse et les a téléchargés en tant qu’annonces sur Ebay. Lorsque l’auteur des fichiers a demandé à Just 3D Print de les retirer, Just 3D Print a répondu qu’ils étaient désormais dans le domaine public.
La situation s’est poursuivie par des actions en justice intentées par Just 3D Print contre divers organismes : Stratasys, 3DR Holdings et TechCrunch. Ces poursuites étaient motivées par la nature « diffamatoire » de leur couverture de la situation. Les articles de TechCrunch et de Stratasys, en particulier, auraient coûté à Just 3D Print la perte d’une ligne de produits qui lui aurait rapporté 2 000 000 de dollars par mois. En fin de compte, ces actions en justice ont été jugées défavorables à Just 3D Print, à l’exception de l’action intentée contre Stratasys.
Selon Michael Weinberg, un ancien avocat de Shapeways qui a également été vice-président de PK Thinks de la fondation Public Knowledge, ces affaires n’étaient pas directement liées à la question de savoir si Just 3D Print avait ou non enfreint le droit d’auteur. Dans le cas de Techcrunch, la défense était qu’il s’agissait d’opinions, non qualifiées de diffamation (ainsi que le délai de prescription). Dans le cas de 3DR Holdings, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas de diffamation et que, même si c’était le cas, ses actions étaient « sans rapport » avec le préjudice subi par Just 3D Print. Cette affaire montre que, nonobstant le droit de la propriété intellectuelle, les entreprises peuvent être tenues pour responsables d’une action en justice fondée sur des déclarations d’opinion et démontre la rapidité avec laquelle une situation peut passer de la couverture d’une éventuelle violation du droit d’auteur à des allégations de diffamation.
Le droit des brevets dans l’industrie de l’impression 3D
Comme indiqué plus haut, le droit des brevets est un élément important de l’innovation dans le domaine de l’impression 3D industrielle. Le premier brevet dans ce domaine a été délivré en 1984 à Chuck Hull de 3D Systems Corporation pour sa technique de stéréolithographie (SLA). Depuis, le nombre de brevets a rapidement augmenté, les entreprises étant déterminées à protéger leurs innovations et leurs technologies émergentes.
Entre 2015 et 2018, les demandes de brevets en fabrication additive ont augmenté à un taux annuel moyen de 36 %, soit plus de dix fois plus vite que la croissance annuelle moyenne des demandes de brevets auprès de l’OEB (Office européen des brevets) au cours de la même période (3,5 %), et en 2020, 800 demandes ont été déposées. Entre 2010 et 2018, c’est dans le domaine de la santé que les demandes de brevets ont été les plus nombreuses (avec 907 en 2018), suivi de l’énergie, puis des transports (avec respectivement 436 et 278 demandes la même année).
Comment le droit des brevets affecte-t-il les entreprises ?
Avec l’augmentation constante du nombre de fabricants d’imprimantes 3D et de startups développant de nouvelles technologies, le droit des brevets continue d’avoir un impact sur l’industrie, mais son effet sur les entreprises n’est souvent pas assez discuté. Tout d’abord, contrairement aux droits conférés automatiquement comme le droit d’auteur, les brevets doivent faire l’objet d’une demande – et ils ont un prix. La ressource juridique BitLaw estime que le coût d’un brevet américain se situe entre 15 000 et 20 000 dollars. Certains frais liés à la procédure sont presque indispensables, tels que les frais de recherche dans les bases de données de brevets pour s’assurer que la nouvelle idée est vraiment originale (les indications contraires sont appelées « antériorités »). En outre, les frais administratifs font partie intégrante de l’inscription sur les listes officielles de brevets. Ces coûts parfois prohibitifs signifient que (en théorie) seules les inventions qui en valent vraiment la peine seront brevetées, mais aussi que les petites entreprises peuvent avoir du mal à protéger leurs inventions au moyen des lois sur la propriété intellectuelle.
Un cas extrêmement connu d’allégations de violation de brevets a été l’affaire 3D Systems contre Formlabs en 2012, dans laquelle le premier a accusé le second de violation de plusieurs brevets, dont un brevet de stéréolithographie accordé à 3D Systems en 1997. L’affaire s’est terminée par un accord dans lequel 3D Systems a accordé à Formlabs une licence pour fabriquer et vendre des produits Formlabs en vertu des brevets 3D Systems en question. En échange, Formlabs a accepté de payer une redevance de 8,0 % des ventes nettes de produits Formlabs pendant toute la durée d’utilisation de la licence.
Quelles sont les mesures prises par les entreprises pour protéger leurs inventions ?
Selon le fabricant américain d’imprimantes 3D Desktop Metal, le risque de faire valoir ses droits de brevet en tant qu’entreprise réside dans les actions en justice intentées par des tiers qui, en cas de décisions défavorables à l’entreprise, pourraient entraîner des coûts énormes et l’utilisation de votre technologie par l’autre partie à votre détriment. C’est pourquoi certaines entreprises se tournent vers d’autres solutions que les brevets, notamment en changeant de site de production afin de protéger des informations classifiées. Le rapport annuel de Desktop Metal pour l’exercice 2020 indique que « les consommables clés utilisés dans divers processus d’impression, tels que les résines et les liants exclusifs, sont développés et produits soit en interne, soit avec des partenaires clés, afin de garantir la protection de la propriété intellectuelle et une production conforme à notre formule et à nos spécifications« .
Les entreprises protègent leurs secrets industriels lorsqu’elles les confient à des prestataires de services. Nous nous sommes entretenus avec Christina Perla, cofondatrice du bureau de services MakeLab, une entreprise qui propose des services d’impression 3D à New York. Elle nous a expliqué que, bien que le fait d’être un prestataire de services n’entraîne pas de complications en matière de droits d’auteur – les créateurs du fichier en détiennent les droits, même si MakeLab en fait une réalité -, de nombreux fichiers qui lui sont confiés sont considérés comme des secrets industriels. C’est pourquoi l’entreprise prend des mesures raisonnables pour éviter la fraude sur les fichiers, y compris des accords de confidentialité si nécessaire. Ces fichiers ne sont également partagés qu’avec les employés concernés. Les efforts déployés par ces entreprises d’impression 3D pour protéger leur propriété intellectuelle montrent l’importance du secret dans l’industrie et la valeur accordée aux secrets commerciaux comme moyen de protéger officieusement les idées.
Les entreprises peuvent être confrontées à des conséquences juridiques non seulement de la part de leurs contemporains, mais aussi de la part du gouvernement. Plusieurs services du gouvernement américain ont récemment infligé une amende de 27 millions de dollars au bureau de services 3D Systems pour avoir partagé des documents de conception, des plans et des spécifications techniques avec sa filiale chinoise de l’époque afin de faciliter l’impression 3D, ce qui constituait dix-neuf violations du règlement sur l’administration des exportations (Export Administration Regulations, EAR). « La mesure d’exécution prise aujourd’hui met en lumière une tendance inquiétante des entreprises américaines à délocaliser leurs activités d’impression 3D et à ignorer les contrôles à l’exportation des données techniques envoyées à l’étranger pour faciliter l’impression 3D« , a déclaré John Sonderman, directeur de l’OEE.
Amélioration et réforme : organisations et individus
De nombreuses organisations clés luttent pour une modification des lois sur la propriété intellectuelle telles qu’elles existent, et pas seulement dans le contexte de l’impression 3D. L’organisation Creative Commons, mentionnée plus haut, est en faveur d’une réforme des lois sur le droit d’auteur. Elle souhaite que le public ait un accès plus facile à la culture et à la connaissance afin de faciliter sa vision de « l’accès universel à la recherche et à l’éducation et de la pleine participation à la culture », et veut aider à surmonter les « obstacles juridiques ». À cette fin, ses licences sont délibérément gratuites, simples et normalisées. Un autre groupe ayant un objectif similaire est Public Knowledge, un organisme américain à but non lucratif qui promeut la liberté d’expression et un internet ouvert en soutenant les droits des consommateurs et en encourageant la créativité par le biais de droits d’auteur équilibrés.
Débloquer les imprimantes 3D
Creative Commons n’est pas le seul exemple d’entité souhaitant une réforme. Le profil de Michael Weinberg, déjà cité, traite de nombreuses questions juridiques liées à l’impression 3D, notamment du mouvement visant à « déverrouiller les imprimantes 3D ». Cela signifierait que les machines ne sont plus programmées pour fonctionner uniquement avec certains matériaux, mais qu’elles sont limitées uniquement par l’aspect pratique plutôt que par les règles préétablies de l’entreprise.
Tous les trois ans, l’Office américain des droits d’auteur examine les demandes d’exemption aux règles de gestion des droits numériques (DRM), définies dans ce cas à l’article 1201 de la loi de 1998 sur les droits d’auteur du millénaire numérique. L’objectif est de permettre à des groupes ayant de bonnes raisons de briser ces verrous numériques de le faire. En 2017, Michael Weinberg a déposé une requête visant à lever les restrictions à la règle afin de permettre aux utilisateurs d’imprimantes 3D de déverrouiller leurs imprimantes pour pouvoir utiliser le matériau de leur choix. Il y voit un désir « d’éliminer la loi sur le droit d’auteur de toute discussion sur les matériaux de tiers dans les imprimantes 3D, car la loi sur le droit d’auteur n’a pas sa place dans ce domaine« .
En 2018, il rapporte une opposition de Stratasys ; le fabricant a notamment affirmé que les systèmes fermés sont nécessaires pour « atténuer les risques liés à l’utilisation d’un matériau spécifique, tels que les risques d’incendie ou les fumées dangereuses ». La décision en faveur de la pétition de M. Weinberg visant à supprimer les limitations empêchant les utilisateurs de « déverrouiller » leurs imprimantes 3D a été prolongée en 2020. Cela signifie qu’aux États-Unis, les utilisateurs ne peuvent pas être poursuivis pour avoir utilisé leurs propres matériaux sur leurs imprimantes 3D, à condition que l’exception soit disponible « uniquement dans le but d’utiliser un matériau alternatif, et non dans le but d’accéder à un logiciel de conception, à des fichiers de conception ou à des données exclusives« .
Le mouvement RepRap démocratise l’impression 3D
Si le droit d’auteur est critiqué par des organisations comme Creative Commons, d’autres mouvements s’insurgent contre le manque de démocratisation. Prenons l’exemple du Maker Movement, une tendance sociale au développement et au partage de créations et de fichiers de conception. Des projets tels que RepRap, fondé à l’université de Bath par Adrian Bowyer en 2005, proposent des machines auto-reproductibles en libre accès, sous licence GNU General Public License (GPL). Cette technologie est la pierre angulaire d’entreprises telles que Prusa Research.
La motivation de M. Bowyer, outre la curiosité pure, était d’investir du pouvoir dans les individus en leur donnant la possibilité de construire pour eux-mêmes. Il a également mentionné le choix de la GPL, qui « utilise le droit d’auteur pour faciliter l’ouverture des sources d’un projet d’une manière qui oblige les développeurs ultérieurs à les ouvrir de la même manière« . Le projet RepRap n’a pas fait l’objet d’une controverse sur les brevets, bien qu’il utilise la technologie FDM/FFF. En effet, selon le droit européen des brevets, la recherche sur une technologie brevetée peut être considérée comme un usage loyal.
Il est intéressant de noter que, selon M. Bowyer, c’est lui qui a inventé le terme FFF à la suite d’une demande de Stratasys de ne pas utiliser la marque FDM. La popularité du mouvement RepRap montre l’attrait d’un monde de l’impression 3D démocratisé parmi les consommateurs – voire les entreprises – et qu’il est relativement facile d’y parvenir, compte tenu des exceptions existantes et des licences adéquates disponibles. Un autre exemple à but non lucratif est le projet FabricAr3v d’un consortium multidisciplinaire financé par l’UE. Ce projet est basé sur une technologie similaire au moulage par injection de métal et utilise des granulés comme matériau. Il vise à fournir des machines moins coûteuses à des organisations telles que les PME, les Fablabs et les universités.
Le droit d’auteur mis à part, le droit des brevets et l’impression 3D ont aussi leurs détracteurs. Les professionnels du droit s’inquiètent également du fait que les normes applicables aux brevets sont trop faibles. Selon le Dr Lukaszewicz, dans sa thèse de doctorat en droit intitulée « The Maker movement meets patent law », près de la moitié des brevets ne sont pas valides, c’est-à-dire qu’ils ne répondent pas aux normes requises pour être enregistrés. Dans cette thèse, Mme Lukaszewicz a exposé son objectif de travailler sur la réforme des brevets dans le cadre de ses fonctions d’experte juridique. Certains considèrent que les brevets nuisent à l’innovation et excluent les petites entreprises du marché, car elles ne peuvent pas développer leurs propres procédés sur la base d’une technologie brevetée.
Le cadre légal de la propriété intellectuelle en impression 3D doit-il changer ?
Le droit de la propriété intellectuelle est un élément incontournable de l’impression 3D, que ce soit pour les amateurs, les petites entreprises ou les grandes industries. En théorie, la loi est conçue pour protéger l’innovation et encourager la poursuite de la créativité. En réalité, il existe souvent des situations juridiques complexes dans lesquelles n’importe qui, du petit concepteur de fichiers à l’énorme conglomérat multinational, peut se trouver exposé à des poursuites judiciaires. En outre, la loi tranche souvent en faveur de ces grandes entreprises et les décisions peuvent parfois être considérées comme trop hostiles à la créativité ouverte (comme l’indique l’organisation Creative Commons).
D’autres personnes et organisations, telles que Public Knowledge, mènent des batailles de longue haleine pour le libre accès aux œuvres créatives et espèrent que les lois sur le droit d’auteur seront modifiées dans l’intérêt de l’utilisation publique. En ce qui concerne l’industrie de l’impression 3D, il y a également la protection de la propriété intellectuelle et un fort accent sur son importance pour l’innovation et le succès commercial, ce qui peut conduire à des cas et des décisions controversés et nuancés. Dans l’ensemble, l’application des lois sur la propriété intellectuelle dans le monde de l’impression 3D est une question complexe et nuancée qui devrait gagner en importance au fur et à mesure que le domaine se développe.
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Bonjour
L’ article est intéressant mais un peu compliqué. en tant que particulier imprimant pour le plaisir des objets, je me pose une question qui ne semble pas avoir été abordée. Est ce que je peux montrer au public un objet que j’ai imprimé (par exemple le TOUR DE BELEM) non dans un but commercial mais simplement pour montrer la beauté d’un objet imprimé