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L’impression 3D de maisons, du rêve à la réalité

Publié le 31 janvier 2018 par Mélanie W.
impression 3D de maisons

En 2004, le professeur Behrokh Khoshnevis de l’Université de la Caroline du Sud commence pour la première fois à imprimer en 3D un mur de béton. Véritable innovation dans le domaine de la construction, sa technologie, Contour Crafting, fait parler d’elle : elle permettrait de créer de manière automatisée une maison entière en 20 heures seulement! Le professeur a en effet mis au point une imprimante 3D de type FDM, montée sur un bras robotisée qui, au lieu d’extruder du plastique, crée des couches de béton selon un modèle 3D. Rapidement, Behrokh Khoshnevis démontre tous les avantages qui existeraient à utiliser la fabrication additive sur les chantiers : réduction de coûts et des déchets, rapidité de fabrication, diminution des accidents de travail, création de formes complexes, etc. Ses découvertes marquent le début de l’impression 3D de maisons, même si celle-ci reste bien moins utilisée que certains secteurs comme l’aéronautique ou le médical.

Les géants de la construction se rendent compte toutefois du potentiel des technologies 3D et de leur impact sur le futur de la construction : l’entreprise Markets and Markets estimait récemment que le marché de l’impression 3D béton devrait atteindre $56,4 millions en 2021. Et pour cause, de plus en plus d’acteurs se lancent dans l’aventure et commencent à tester la technologie pour des chantiers toujours plus innovants. Certains sont futuristes, d’autres bien réels comme cette maison russe de 300 m2. L’impression 3D béton se développe rapidement et s’appuie sur différentes technologies et  matériaux, offrant alors de nombreux avantages à ses utilisateurs. Elle en est toutefois qu’à ses débuts et présente bien évidemment certaines limites.

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L’impression de maisons selon Contour Crafting

Quels procédés d’impression 3D dans le secteur de la construction?

Un bras robotisé pour extruder le matériau

La méthode de Contour Crafting marque le début de l’impression 3D dans ce domaine ; c’est un procédé par lequel le matériau de construction est déposé selon un modèle 3D pour créer des structures à grande échelle, avec une finition de surface lisse. Des rails sont installés autour du terrain de construction qui feront office de portique pour diriger le bras robotique. Il glissera en avant et en arrière pour appliquer, couche par couche, le béton.  Sur le côté et au-dessus de la buse sont fixées des truelles qui viennent aplatir les couches extrudées et garantir une solidité suffisante. Du béton classique n’aurait pas pu être utilisé car il n’aurait pas pu supporter son propre poids: il doit en effet durcir avant de continuer le processus. C’est donc un béton qui a un affaissement plus faible et une prise rapide qui est employé dans cette méthode.

L’entreprise Contour Crafting était restée très discrète sur ses avancées au point de se faire “voler la vedette” par le chinois WinSun Decoration Engineering Co qui a présenté en 2014 des maisons de 200 mètres carrés imprimées en seulement un jour. Avec sa machine de 32 mètres de long, 10 mètres de large pour 6,6 mètres de hauteur, la firme avait pu créer les différents composants de la structure finale à partir d’un mélange de béton et de fibres de verre puis les a assemblés sur place. Un exploit qui a fait prendre conscience à de nombreux acteurs de la construction le potentiel de la fabrication additive.

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La machine développée par Constructions-3D

Les différents acteurs du marché ne se différencient pas tant sur la technologie d’impression 3D béton utilisée que sur la machine et le matériau qu’ils ont développés. A titre d’exemple, l’entreprise Constructions-3D en France a fabriqué une machine polaire mobile qui peut imprimer in situ au milieu de la structure, se plier et ressortir de l’ouvrage par la porte. Elle est composée d’une base mécanique, d’un bras robotisé au bout duquel se trouve la buse d’où est extrudé un mortier spécialement développé par l’entreprise. Ce bras offre une zone imprimable de plus de 250 m2 sur 8 mètres de haut.

Le robot de Cazza Construction se rapproche de cette également de cette technique. De nombreux acteurs utilisent ainsi un système de grue mobile qui leur permet d’étendre au maximum la zone d’impression et ainsi de créer des structures plus grandes et plus hautes : c’est le cas d’Apis Cor ou encore de XtreeE.

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La machine développée par l’Université de Nantes

Certaines entreprises quant à elles se sont spécialisées dans l’extrusion d’un matériau autre que le béton tout en conservant la même technologie. Le procédé breveté BatiPrint 3D est sûrement un des exemples les plus parlant : l’Université de Nantes, Bouygues Construction, Lafarge Holcim se sont associés pour développer un robot industriel qui dépose directement sur site trois couches de matériaux : deux couches de mousse polymère de type expansive et une troisième de béton. Benoit Furet, professeur à l’Université de Nantes explique “la mousse apporte l’isolation intérieure et extérieure; le béton et le ferraillage la structure porteuse antisismique.”

Des couches de sable liées entre elles

En Europe, c’est l’italien Enrico Dini qui dévoilait un procédé intéressant avec son imprimante 3D D-Shape. Elle s’appuie sur le liage de poudre qui permet de solidifier une couche de matériau à l’aide d’un liant. Dans notre cas, des couches de sable sont déposées selon l’épaisseur souhaitée; puis, une tête d’impression composée de 300 buses verse des gouttelettes – le liant – afin de durcir le sable. La machine en question est une sorte de grand cube de 4 x  4 mètres qui permet de créer de grandes structures de 6 mètres cubes maximum.

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Le métal pour des structures solides

L’entreprise hollandaise MX3D a quant à elle développé une méthode de construction singulière, la WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing), qui permet de créer des structures en métal grâce à un robot à 6 axes qui vient déposer 2 kilos de matériau par heure.

En partenariat avec Air Liquide et ArcelorMittal, le robot est équipé d’une soudeuse et d’une buse afin de souder, couche par couche, des tiges métalliques. Ce procédé est compatible avec la plupart des alliages métalliques comme l’acier inoxydable, le bronze, l’aluminium ou encore l’Inconel. Une sorte de fer à souder géant en résumé. “Nous avons combiné un robot industriel avec une machine à souder pour la transformer en une imprimante 3D qui fonctionne avec notre propre logiciel” commente l’équipe.

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Le robot de MX3D

Menées par des startups, ces projets souvent soutenus par de grands noms du BTP. Le Royal BAM Group s’est associé à l’Université de Technologie d’Eindhoven pour concevoir un pont en béton imprimé en 3D pour cyclistes ; le géant Bouygues Construction s’est quant à lui tourné vers l’impression 3D pour fabriquer des maisons dans la région lilloise. On peut également citer Vinci Construction dont le partenariat avec la startup française XtreeE lui aura permis de tester la construction des structures complexes, ou encore le groupe suédois Skanska qui a travaillé avec l’université de Loughborough pour développer un procédé d’impression 3D béton.

Pourquoi recourir à l’impression 3D dans la construction?

Premier argument avancé, l’impression 3D béton permettrait de faire gagner beaucoup de temps – un avantage propre à la technologie. Elle permettrait notamment de passer d’un chantier de 2 semaines à seulement 3 ou 4 jours tout en réduisant la pénibilité et les risques au travail. Benoit Furet explique “La réduction de la pénibilité et des risques est une réalité, nous avons réalisé des mûrs de 3,8m de haut sans le moindre échafaudage. De plus, on se rend compte que le chantier est très silencieux.” Son équipe a réussi à imprimer en 3D une maison de 95 m2 qui sera le premier logement social imprimé en 3D de la ville. Benoit affirme que leur technologie BatiPrint a également permis de créer des formes courbes plus facilement et pour un coût réduit. Elle offre en plus une certaine automatisation du travail : l’imprimante 3D ne s’arrête pas avant d’avoir fini, réduisant ainsi fortement les temps d’attente.

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Le logement social imprimé en 3D à Nantes

L’impression 3D béton a recours à globalement moins de matériaux que les méthodes de construction classiques. En ajoutant de la matière, à l’inverse d’un procédé soustractif, elle diminue l’impact environnemental et ne produits que peu de déchets – un bénéfice que l’on doit principalement à l’optimisation topologique. Romain Duballet, un des co-fondateurs de XtreeE explique “avec une maîtrise géométrique accrue, on peut construire des formes optimisées pour limiter la quantité de matières à utiliser.” Un avantage à ne pas négliger quand on sait que le béton est l’une des ressources les plus utilisées sur Terre après l’eau.

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Un poteau imprimé en 3D par XtreeE

Même si on reste très enthousiaste à l’idée de pouvoir imprimer en 3D une maison, un pont ou encore des gratte-ciel, il subsiste certains bémols. Axel Thery, co-gérant de l’entreprise Constructions-3D nous expliquait : “Les principales difficultés proviennent du fait que le procédé d’impression 3D de bâtiment n’est aujourd’hui pas reconnu comme un procédé de construction par les codes et normes en vigueur. Comme les structures imprimées sont peu traditionnelles, les calculs de résistances et de tenue dans le temps sont difficiles à réaliser, c’est pourquoi les ouvrages habitables devront être testés au cas par cas au début.” C’est une méthode qui doit encore faire ses preuves afin que les pouvoirs publics puissent la considérer comme un véritable procédé de construction. La principale préoccupation est de savoir si ces structures sont vraiment solides et peuvent résister à tout type d’environnement extérieur.

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Un banc imprimé en 3D par Constructions-3D

Même si la fabrication additive apporte son lot de nouveaux métiers, qu’en est-il des ouvriers qui travaillent sur les chantiers ? L’automatisation du procédé de construction va t-il mettre à la rue de nombreux emplois peu qualifiés ? Quelles seront les compétences nécessaires pour utiliser une imprimante 3D sur un chantier ? Les spécialistes de l’impression 3D béton s’accordent à dire que la technologie transformera les métiers sans toutefois en supprimer ; on assiste plutôt à une évolution des profils. Benoit Furet affirme “Les métiers vont évoluer de l’architecte au maçon qui devient un opérateur en maçonnerie. A terme, la chaîne numérique globale va se simplifier, les opérateurs avec bac pro du secteur de la construction seront les maçons numériques, les pilotes des robots.” C’est un outil pour l’homme et non son substitut.

L’impression 3D de maisons, une solution contre la crise du logement?

Et si l’impression 3D permet aujourd’hui de créer des structures plus rapidement, on pourrait supposer qu’elle serait une solution idéale pour lutter contre la crise du logement en proposant des maisons à tous, à moindre coût et construites plus rapidement. Certaines entreprises se sont d’ailleurs rapprochées de la fabrication additive dans ce but précis. C’est le cas de l’italien WASP qui espère bâtir un monde plus durable grâce à l’impression 3D. La firme a développé une des imprimantes 3D les plus grandes du monde capable de réaliser des maisons à partir de matériaux sourcés localement en recourant à l’énergie solaire, éolienne ou hydraulique. Ainsi, même les régions qui n’ont pas accès à l’électricité pourraient construire avec les ressources locales des structures respectueuses de l’environnement.

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L’imprimante 3D XXL de WASP

Au Brésil, Anielle Guedes a fondé sa startup Urban3D afin de répondre à la crise du logement qui touche le pays avec ses favelas à perte de vue. Sa société imprime en 3D les différents éléments d’un immeuble dans une usine dédiée avant de les assembler sur place. Elle affirme ainsi pouvoir atteindre une hauteur suffisante qui n’aurait pas été possible si l’impression 3D se faisait directement sur place. Elle teste actuellement plusieurs prototypes et espère apporter une solution pour lutter contre le développement des bidonvilles brésiliens.

Enfin, l’entreprise russe Apis Cor est convaincue des impacts positifs que l’impression 3D pourrait avoir sur le logement. Son fondateur et CEO Nikita Chen-iun-tai explique “Nous croyons que la fabrication additive est une solution efficace contre la crise du logement et c’est pour cela que nous avons développé notre projet. Nous espérons que dans quelques années cette approche sera testée minutieusement dans différents régions du monde afin de démontrer sa faisabilité. Nous pensons que de plus en plus d’entreprises de construction vont adopter cette technologie, comme c’est déjà le cas pour certaines aujourd’hui.”

Et si la fabrication additive pourrait devenir une réponse à cette crise du logement sur Terre, elle serait également un moyen d’explorer l’espace et pourquoi pas de s’y installer. La NASA a elle aussi lancé le “3D Printed Habitat Challenge” afin d’imaginer les technologies qui serviront à construire des habitations dans l’espace, que ce soit sur la Lune ou sur Mars. Bien que le projet soit très ambitieux, il en est encore à ses débuts et il est encore trop tôt pour affirmer que l’impression 3D soit une solution viable. Toutefois, l’engouement pour l’impression 3D dans ce secteur est bien réel. SmarTech Publishing prévoit d’ailleurs des recettes globales de $40 milliards sur ce marché d’ici 2027.

L’impression 3D de maisons est-elle le futur de la construction? Partagez également votre opinion dans les commentaires de l’article ou avec les membres du forum 3Dnatives.

Les 2 commentaires

Rejoignez la discussion et laissez votre commentaire.

  1. Lepers dit :

    Excellent ! Souhaitons pouvoir bénéficier de 2 petites maisons 3D dans l’Aude et le Pas de calais Merci de nous donner la marche à suivre

  2. Villani dit :

    je suis intéressée par la construction d’une maison en 3D, à qui m’adresser pour obtenir une devis, merci,
    Villani Françoise

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