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Caroline Auraix, la bijoutière de l’impression 3D

Publié le 6 septembre 2019 par Mélanie W.
caroline auraix

Dans le secteur de la joaillerie, la fabrication additive a de nombreux avantages, surtout en termes de créativité où elle permet de concevoir des formes complexes impossibles à obtenir via des méthodes d’artisanat classiques. Elle offre également des possibilité de personnalisation plus grandes, satisfaisant alors des consommateurs à la recherche de bijoux inédits et originaux. Les technologies 3D sont principalement un outil supplémentaire pour ces artistes qui veulent faire parler leur imagination et viennent souvent un complément des techniques traditionnelles. Caroline Auraix fait partie de ces designers français qui ont recours à la modélisation et à l’impression 3D pour fabriquer des pièces uniques, aux formes surprenantes. Nous l’avons rencontrée afin d’en savoir plus sur son processus de création, ses inspirations et les technologies qu’elle utilise aujourd’hui.

3DN : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre lien avec l’impression 3D ?

Bonjour, Caroline Auraix, je suis artiste plasticienne, et je vis à Paris. J’ai travaillé 10 ans comme directrice de collection, et chef d’atelier aux côtés du designer Tzuri Gueta, connu pour ses accessoires de mode en silicone. Cette longue collaboration a cessé fin 2016, j’ai quitté mon poste afin de raconter mes propres histoires. Résolument tournée vers l’humain, source principale d’inspiration, je crée des bijoux sculptures à porter aux accents surréalistes, métaphysiques, qui questionnent notre rapport au réel. J’affectionne depuis toujours les matériaux de synthèses, du plastique aux résines, en passant par le silicone. Je les sublime dans des compositions trompe l’œil où les sens sont perturbés.

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Caroline Auraix (crédits photo : Valentin Bienvenu/SOUFFLE CHAUD)

La première fois que j’ai entendu parler de l’impression 3D, il y a de nombreuses années, j’ai été littéralement fascinée par les possibilités infinies que cette technique pourrait apporter au monde : enfin, la réalité rattrapait la fiction ! À l’époque, je n’avais aucune connaissance dans le domaine de la modélisation. Je voyais cette avancée comme quelque chose d’inaccessible, et réservé à une élite scientifique, d’ingénieurs, programmeurs, et autres informaticiens de hauts vols. Jusqu’au jour où j’ai décidé que moi aussi je pouvais, à mon humble niveau, utiliser cette technologie pour servir ma création. Ainsi, l’aventure 3D a commencé !

3DN : Pourquoi utilisez-vous les technologies 3D dans votre travail ?

Quand je me suis lancée en tant qu’artiste, j’ai tout de suite été confrontée au facteur temps ! Créer, fabriquer, vendre, promouvoir, communiquer, gérer… Autant d’étapes toutes plus chronophages les unes que les autres ; il fallait trouver une solution pour rendre possible ce projet qui me tenait à cœur, et pour lequel j’avais tout lâché. C’est comme ça que l’impression 3D s’est imposée à moi. Grâce à ce procédé, j’ai gagné du temps sur la fabrication de mes œuvres, et je peux les proposer à des prix beaucoup plus abordables que si elles avaient été fabriquées de façon traditionnelle. Tout cela concourt à mon souhait de démocratiser « L’Art » afin que chacun puisse s’offrir une pièce d’artiste sans passer par la case crédit et pommes de terre à tous les repas.

3DN : Comment utilisez-vous les technologies 3D dans votre travail ?

Je travaille principalement sur Rhinocéros 3D, c’est le logiciel de référence dans la bijouterie. J’ai appris la mécanique de ce soft lors d’un stage d’une semaine et je me suis formée toute seule pour le reste. J’ai trouvé également des modeleurs gratuits, où je peux basculer mes modèles pour des effets « pâtes à modeler », plus longs à réaliser avec Rhino. Je fonctionne aussi avec des générateurs de personnages, qui me rappelle ces longues heures passées sur mes jeux vidéo à customiser mes joueurs.

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Une broche conçue par les technologies 3D (crédits photo : Caroline Auraix)

Une fois que j’ai réalisé une composition qui me plaît (ça peut prendre des jours …), je fais appel à un prestataire pour l’impression. Je travaille beaucoup avec Shapeways, que je trouve pas mal dans le rapport qualité/prix même si on est limité à un fichier de 64 Mo. Ce qui dans certains cas peut s’avérer pénible, quand on travaille avec des fichiers très lourds. On doit les réduire, et ce faisant, la définition n’est plus au rendez-vous.

3DN : Quelles(s) technologie(s) utilisez-vous ?

J’ai essayé plusieurs matériaux avec différents prestataires d’impression 3D (n’ayant pas encore ma propre imprimante). Ce qui se prête le mieux à mon travail s’avère être le frittage de poudre de nylon (SLS). J’ai constaté que sa porosité permettait des effets de teintures incroyables. De plus, en couche très fine (0.60 mm) il laisse passer la lumière, ce qui le rend parfait pour réaliser des luminaires. Sa solidité et sa légèreté en font un matériau idéal pour les bijoux.

Je choisis volontairement le blanc pour mes impressions. Cela me permet de personnaliser à volonté mes créations, et de donner un caractère unique à chacune d’elles. Je réalise des effets de matières en les peignant à la main avec une peinture céramique qui offre un rendu plus intense que l’acrylique par exemple. J’ai essayé le frittage métal avec plusieurs rendus (bronze, argenté …) mais cette solution n’est pas pérenne pour des bijoux car avec le frottement, le plaquage disparaît assez rapidement. Néanmoins, cette technologie offre de belles possibilités pour des petits objets de décoration.

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L’impression 3D permet d’obtenir des designs originaux (crédits photo : Caroline Auraix)

3DN : Quels sont les défis que vous avez rencontrés dans le développement de vos produits ?

Le plus grand défi que j’ai rencontré et que je rencontre toujours, c’est la modélisation de mes pièces. On pense souvent à tort qu’une fois son modèle 3D terminé, hop, on peut passer à l’étape impression. Quelle erreur ! Il faut prendre en considération le matériau avec lequel on imprimera, et dont découlera les épaisseurs minimums supportées par celui-ci.

J’ai appris tout cela sur le tas, et je ne compte plus les modèles « inimprimabes » que j’ai faits. À ceci, s’ajoute la difficulté d’avoir un fichier « propre », c’est-à-dire sans trou, ni bord non-manifold (sorte de doublons sur les bords d’une pièce). Enfin, comme je le disais précédemment, la définition du modèle et son poids sont les pierres angulaires d’une impression réussie. Il faut parfois sacrifier des détails pour voir naître un projet. Tout ceci me parait évident aujourd’hui, mais pour la néophyte que j’étais, j’ai dû rencontrer chacune de ses problématiques pour pouvoir les solutionner.

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Crédits photo : Caroline Auraix

3DN : Quels sont pour vous les plus gros avantages de l’impression 3D ?

L’impression 3D ouvre de nombreuses perspectives dans des domaines très variés. Dans le secteur de la création, elle repousse le champ des possibles par sa capacité à fabriquer des structures que la main de l’homme ne pourrait réaliser. Je pense à des pièces avec des structures internes intriquées dans des formes diverses. Ou aux géométries complexes et précises que l’impression 3D peut rendre avec exactitude, et qui seraient longues et fastidieuses à faire dans le cadre d’une réalisation traditionnelle.

Le temps gagné en imprimant ses projets sans passer par les différentes étapes classiques tel que la maquette, le moulage, la fonderie, la reprise, etc , permet de voir très rapidement si le prototype répond aux attentes. Il en résultera des prix plus attractifs pour le client final. En résumé, imprimer ses projets, c’est être plus autonome dans sa création, et surtout, plus libre !

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Un bracelet conçu grâce aux technologies 3D (crédits photo : Caroline Auraix)

3DN : Selon vous, quel est l’avenir de l’impression 3D dans le secteur de la joaillerie ?

Certaines grandes maisons font appel à l’impression 3D pour la réalisation de prototypes rapides à montrer aux clients ou la fabrication de moules complexes. Mais elles restent très attachées aux méthodes traditionnelles de fabrication valorisant leur savoir-faire. Cela étant, les avancées techniques permettent aujourd’hui d’imprimer des métaux précieux avec une belle définition. Le comité Francéclat, acteur du développement économique de la profession en France a lancé un concours depuis 2017 pour promouvoir cette nouvelle façon de faire des bijoux. L’idée commence à faire son chemin.

3DN : Un dernier mot pour nos lecteurs ?

L’impression 3D m’a fait rêver de longues années, n’attendez pas pour vous lancer, avec de la patience et de la pratique vous pourrez réaliser vos projets. Internet est truffé de conseils de toute sorte, n’hésitez pas à essayer des choses, à vous tromper, à recommencer. Quel que soit votre métier, l’impression 3D prendra de plus en plus d’importance dans les années à venir. Prendre le virage numérique maintenant, c’est assurer la pérennité de son activité. De nombreux artisans restent réfractaires à cette technologie et s’imaginent que la « machine » va voler leur travail de façonnier. Or, c’est tout le contraire qui va se passer, les possibilités de fabrication élargies leur permettront de proposer des services inédits, personnalisables, et accessibles. Car c’est bien de cela dont il est question, l’uniformisation d’hier va être remplacée par un besoin d’authenticité, loin des productions de masse et des ressources surexploitées généré par ce modèle économique.

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Crédits photo : Caroline Auraix

Retrouvez tout le travail de Caroline Auraix sur son site ICI.

Que pensez-vous des bijoux réalisés par cette artiste française ? Partagez votre avis dans les commentaires de l’article ou avec les membres du forum 3Dnatives.

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