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La bio-impression, futur de la médecine sur-mesure ?

Publié le 7 novembre 2019 par Mélanie W.
bio-impression

La bio-impression 3D est rapidement devenue l’un des principaux segments de l’industrie de la fabrication additive en termes d’innovation. Jusqu’à récemment, le marché était principalement concentré sur l’Amérique du Nord. Cependant, de nombreuses entreprises, laboratoires et universités du monde entier explorent davantage ce domaine. Grâce aux techniques basées sur l’impression 3D, des cellules et des biomatériaux peuvent être combinés et déposés couche par couche pour créer des structures cellulaires ayant les mêmes propriétés que les tissus naturels. Au cours de ce processus, divers bio-encres peuvent être utilisées pour créer ces structures ressemblant à des tissus, qui trouvent des applications dans les domaines de la médecine et de l’ingénierie tissulaire. Bien sûr, nombreux sont ceux qui savent que la plus grande innovation de ce domaine est de réussir la bio-impression d’un organe humain pleinement fonctionnel.

Bien que cette technologie soit considérée comme l’avenir de la médecine, il existe encore beaucoup de questions associées à ce processus d’impression et d’inconnues à résoudre. Nous allons donc explorer ce vaste sujet, les technologies associées et présenter les défis, techniques et éthiques, que la bio-impression présente.

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Crédits photo : Fluid Form

Aujourd’hui, nombreuses sont les personnes qui attendent de recevoir un organe pour une greffe. La demande est très forte les chances et les chances d’en obtenir sont plus faibles. En France, selon l’Agence de la biomédecine, en 2018, 5 781 greffes ont été réalisées alors que plus de 22 000 patients étaient en liste d’attente. Les greffes de rein et de foie sont les plus courantes tandis que celles du cœur se sont élevées à 450. La bio-impression pourrait être une solution à l’augmentation des personnes en attente de greffe. D’ailleurs, certains projets vont dans ce sens et sont très encourageants : en avril dernier, une équipe de chercheurs israéliens a réussi à imprimer en 3D un coeur à l’aide de cellules humaines. Ce cœur correspondait parfaitement aux propriétés immunologiques, cellulaires et anatomiques d’un patient humain. Même s’il s’agissait d’un coeur de la taille de celui d’un lapin, sa complexité était une première : « L’homme a déjà réussi à imprimer en 3D la structure d’un cœur, mais pas avec des cellules ni avec des vaisseaux sanguins. Nos résultats démontrent le potentiel de notre approche pour l’ingénierie du remplacement personnalisé de tissus et d’organes à l’avenir« , a expliqué le professeur Tal Dvir, qui a dirigé les recherches sur cette étude.

Comme vous l’aurez compris, les bio-imprimantes 3D peuvent créer des structures cellulaires complexes via un processus de superposition de couches successives. La technologie a été mise au point par des scientifiques dans l’espoir de créer des organes pleinement fonctionnels.

Les débuts de la bio-impression

Le premier développement de la bio-impression date de 1988 lorsque le Docteur Robert J. Klebe de l’Université du Texas a présenté son processus Cytoscribing, une méthode de micro-positionnement des cellules pour créer des tissus synthétiques en 2 ou 3D en utilisant une imprimante inkjet classique. A la suite de ces recherches, le Professeur Anthony Atala de l’Université de Wake Forest a crée en 2002 le premier organe grâce à la bio-impression, un rein à échelle réduite. En 2010, le premier laboratoire spécialisé dans l’impression 3D a vu le jour : Organovo a rapidement commencé à travailler avec les développeurs Invetech pour créer l’une des premiers bio-imprimantes du marché, la NovoGen MMX. Organovo s’est positionné comme l’un des leaders de l’industrie et continue de travailler sur le développement de tissus osseux, après voir réussi à greffer des tissus de foie. On peut également citer l’entreprise BIOLIFE4D qui a pu bio-imprimer en 3D un cœur humain miniature, une première aux Etats-Unis. Nous nous attendons à ce que davantage d’entreprises et de groupes de recherche soient en mesure d’atteindre cet objectif dans les prochains mois.

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Anthony Atala et le rein à échelle réduite

L’un des plus grands défis est le coût élevé du développement et le manque de connaissances. Cependant, de nouvelles techniques commencent à émerger pour augmenter les chances de réussite et sont réparties en 5 catégories différentes que nous allons explorer ci-dessous.

La bio-impression « inkjet »

Cette technologie est basée sur le processus d’impression inkjet classique. Aujourd’hui, des imprimantes 3D FDM sont modifiées afin d’obtenir un procédé d’impression similaire. Cette méthode permet de déposer des gouttelettes de bio-encre couche par couche – ces bio-matériaux sont aussi appelés des biotines – sur un support hydrogel ou une plaque de culture. Cette technologie peut être classée dans les méthodes thermiques et piézoélectriques, toutes les deux basées sur une forme de biotine.

inkjet

La technologie thermique utilise la chaleur pour créer des bulles d’air qui viennent s’éclater et fournissent suffisamment de pression pour éjecter les gouttes d’encre. A l’inverse, la technologie piézoélectrique n’utilise pas la chaleur pour créer la pression suffisante mais a recours à une charge électrique qui s’accumule dans certains matériaux solides – dans ce cas, de la céramique polycristalline piézoélectrique présente dans chaque buse. Toutefois, cette technologie peut endommager la membrane cellulaire si elle est utilisée trop souvent.

Des scientifiques ont fait d’importants progrès dans la bio-impression de modèles de molécules, cellules et organes en utilisant l’impression inkjet. Les molécules ont été dupliquées avec succès facilitant ainsi l’étude du cancer et son traitement. Les cellules qui soignent le cancer peuvent ainsi être imprimées via ce procédé et conserver leurs fonctions.

organovo

Organovo utilise l’impression inkjet pour créer des tissus humains fonctionnels. Le laboratoire est actuellement en train de reproduire du tissu humain pour le foie afin de réparer la partie endommagée de l’organe. Cela permettrait de rallonger la durée de vie du foie jusqu’à ce que le patient en question puisse recevoir une greffe, opération qui peut prendre quelques années.

La bio-impression par extrusion

Ce type de bio-impression est basé sur l’extrusion pour créer des modèles 3D et des structures cellulaires. Les bio-matériaux utilisés sont généralement des solutions extrudées en coordonnant le mouvement d’un piston à pression ou d’une micro-aiguille au dessus d’un support fixe. Après l’application couche par couche, on procède à un assemblage pour compléter les modèles 3D formés. Les avantages de cette technologie sont le traitement à température ambiante, l’incorporation directe des cellules et leur distribution homogène. Certaines des bio-imprimantes les plus populaires utilisent cette technique parce qu’elle est considérée comme une évolution de la bio-impression par inkjet – comme la Bioplotter d’EnvisionTec.

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La bio-impression assistée par laser

Cette technique utilise un laser comme source d’énergie pour déposer les bio-matériaux dans un récepteur. Elle est composée de trois parties : une source laser, un film plastique recouvert de matériaux biologiques et un récepteur. Les rayons laser irradient le film entrainant ainsi l’évaporation des matériaux biologiques liquides qui vont alors dans le récepteur sous la forme de gouttes. Ce dernier contient un bio-polymère qui conserve l’adhésion des cellules et les aide à se développer. Comparée à d’autres technologies, la bio-impression assistée par laser a des avantages uniques notamment parce que c’est un processus sans buse et sans contact, qu’elle permet une impression de cellules d’une grande résolution et un contrôle des gouttelettes de biotine.

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Le leader français de la bio-impression, Poietis, a réussi à recréer des cheveux en partenariat avec L’Oréal. L’entreprise utilise la technologie de bio-impression assistée par laser qui lui permet de déposer précisément les cellules en une géométrie particulière. En travaillant avec la marque de cosmétiques, Poietis bénéfice de son expertise dans le domaine de la biologie capillaire. Actuellement, le français essaye de recréer des follicules capillaires qui pourraient être une solution efficace pour faire pousser les cheveux et une alternative pour les hommes et femmes confrontés à des problèmes d’alopécie.

Stéréolithographie

La technologie consiste à solidifier un photopolymère grâce à une lumière ultra-violette. Elle a la précision de fabrication la plus élevée. Elle est adaptée à la bio-impression et imprime des hydrogels sensibles à la lumière. Cette technologie est en développement parce qu’elle présente encore des nombreuses restrictions comme le manque de bio-compatibilité et de biodégradabilité des polymères, les effets nuisibles et l’incapacité à retirer le support d’impression.

stéréolithographie

La bio-impression par ondes acoustiques

Cette méthode a été développée par l’Université Carnegie Mellon, la Pennsylvania State University et MIT. Elle utilise des sortes de pinces acoustiques, un système micro-fluidique dans lequel les cellules individuelles peuvent être manipulées, et des ondes acoustiques superficielles. Ce système a permis aux chercheurs de contrôler l’endroit où les ondes se rencontreraient. A ce point de rencontre, les ondes ont formé un nœud qui a permis de capturer les cellules individuelles. Ces dernières sont recueillies pour créer des modèles 2D puis 3D. Cette technique offre une performance élevée en termes de précision de mouvement.

Il existe de plus en plus de développements associés à ces technologies, de nouvelles applications ou techniques comme la création il y a quelques mois d’un ovaire fonctionnel par l’Université de Northwest, dans l’Illinois. Des chercheurs espagnols sont maintenant capables de développer de la peau humaine qui peut être greffée ; Harvard travaille sur la bio-impression d’un rein ; Aspect Biosystems sur l’impression 3D de tissus pour le genou, etc.

Le procédé SWIFT

Des chercheurs de l’Institut Wyss de Harvard ont mis au point une nouvelle technique de bio-impression appelée SWIFT (Sacrificial Writing Into Functional Tissue), qui permet, comme son nom l’indique, la bio-impression de vaisseaux sanguins sur des tissus vivants. En d’autres termes, ce procédé vient imprimer en 3D des canaux vasculaires dans des matrices vivantes composées de blocs de construction d’organes dérivés de cellules souches. Plutôt que d’essayer d’imprimer en 3D les cellules d’un organe entier, SWIFT s’attache uniquement à imprimer les vaisseaux nécessaires à la construction d’un tissu vivant contenant de grandes quantités des blocs mentionnés ci-dessus. Ceux-ci pourraient à terme être imprimés avec les propres cellules d’un patient et être utilisés en médecine thérapeutique pour réparer et remplacer des organes humains. Dans une expérience réalisée par les chercheurs, les tissus spécifiques à un organe qui ont été imprimés avec des canaux vasculaires intégrés à l’aide de SWIFT sont restés en vie, tandis que les tissus développés sans ces canaux ont subi une mort cellulaire au bout de 12 heures.

methode SWIFT

Les tissus spécifiques à un organe qui ont été imprimés avec des canaux vasculaires intégrés à l’aide de SWIFT sont restés viables (à droite), tandis que les tissus développés sans ces canaux ont subi la mort cellulaire au bout de 12 heures (à gauche).

L’avenir de la bio-impression et les problèmes éthiques

Les techniques de bio-médecine cherchent à développer la « médecine personnalisée » où les docteurs pourraient adapter les traitements en fonction des besoins de chaque patient. Une des principales préoccupations de l’industrie est les coûts liés à cette personnalisation et qui pourrait y accéder.

Un autre problème éthique est qu’il n’est aujourd’hui pas possible de tester l’efficacité et la sécurité de ces traitements. Après l’analyse des différentes techniques utilisées, nous savons qu’il est possible de développer des organes fonctionnels qui peuvent remplacer les organes humains mais il n’est pas encore possible d’évaluer si le corps du patient acceptera le nouveau tissu et l’organe artificiel créé. En plus de tout cela, il faut considérer les règlementations juridiques qui doivent être créées avant que ces avancées ne soient disponibles à un public plus large.

N’oublions pas non plus que les nouvelles technologies peuvent être utilisées à mauvais escient, la bio-impression n’est pas une exception. Si les technologies sont capables de créer des organes ou des tissus sur-mesure, il faut considérer la possibilité de créer de nouvelles capacités humaines, des os plus résistants ou des poumons oxygénés différemment. Un avenir attrayant pour certaines personnes à travers le monde, et encore plus attrayant pour certains secteurs tels que l’armée.

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Crédits photo : Cellink

Même si la technologie a encore beaucoup de chemin à parcourir, l’impression de parties du corps sera la prochaine étape dans la transplantation d’organes. En ce qui concerne les projets qui ont déjà été réalisés et en cours, on peut citer des parties du corps comme les os, les cornées, le cartilage, les cœurs et la peau. Ces projets de recherche ont été menés dans diverses universités à travers le monde, aux États-Unis, en Europe et en Asie.

Grand View Research, un cabinet d’études de marché basé à San Francisco, révélait dans sa dernière étude que le marché mondial de la bio-impression atteindra 4,1 milliards de dollars d’ici 2026, enregistrant un TCAC de 19,5%. Les principaux acteurs devraient continuer à se développer en Amérique du Nord, les États-Unis occupant une position dominante, suivis du Canada. De nombreux pays européens apportent également leur contribution dans le domaine de la bio-impression, le leader actuel étant le Royaume-Uni.

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L’Université New Castle a bio-imprimé une cornée humaine

Aujourd’hui, c’est aussi le segment des matériaux qui devrait croître. Grâce à d’autres technologies telles que l’IA, les scientifiques peuvent plus facilement déterminer les combinaisons de biomatériaux appropriées pour transformer des échafaudages en tissus. Les entreprises de bio-impression devraient se concentrer sur leur développement ainsi que sur des systèmes avec plus de têtes d’impression afin de soutenir l’utilisation de nombreuses bio-encres en même temps. On s’attend également à ce que les logiciels soient améliorés, offrant davantage de fonctionnalités à l’utilisateur. Enfin, davantage de secteurs d’activité devraient commencent à tirer parti des capacités de la bio-impression sur leur marché.

Au vue des progrès qui sont réalisés tous les jours, on peut dire que la prochaine décennie verra davantage d’organes imprimés en 3D et de greffes réalisées. Les chercheurs et les scientifiques ont encore beaucoup de choses à découvrir dans le futur, mais nous sommes certains que la bio-impression 3D sera l’un des plus grands progrès médicaux que nous verrons de notre vivant ; une véritable révolution pour l’avenir de la médecine.

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BiogelX fait partie des acteurs qui travaillent sur le développement de nouvelles bio-encres (crédits photo : BiogelX)

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Un commentaire

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  1. sarigolepas dit :

    On peut imrimer des organes allant jusque à quelle taille dans du gel avant d’avoir besoin de les oxygéner avec du sang? Il faudrait à mon avis fabriquer des morceaux de quelques cm3 puis les assembler le plus vite possible et y injecter du sang ou alors oxygéner directement l’organe pendant l’impression

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