L’impression 3D à l’échelle nanométrique et microscopique offre une grande liberté de conception ainsi qu’une grande efficacité, ouvrant la voie à de nombreuses innovations, notamment dans les domaines de la micro-optique et de la micromécanique. Ces avancées alimentent à leur tour de nouveaux développements technologiques. Par conséquent, l’intérêt commercial pour les techniques d’impression 3D capables de produire des objets à l’échelle micro et nano a fortement augmenté ces dernières années. Parmi ces techniques, la polymérisation à deux photons occupe une place centrale.
La polymérisation à deux photons, couramment abrégée en TPP ou 2PP, s’inscrit dans le domaine de l’impression 3D à l’échelle microscopique et représente une technologie avancée de fabrication additive. Ses principes fondamentaux ont été établis en 1997 par Shoju Maruo, Osamu Nakamura et Satoshi Kawata à l’université d’Osaka. Depuis, cette technologie a connu un essor considérable, de nombreuses entreprises ayant contribué à son développement et à sa commercialisation sous divers noms déposés.
Une microstructure imprimée en 3D : la polymérisation à deux photons peut être utilisée pour produire des structures complexes à l’échelle micro et nanométrique (crédits photo : Fraunhofer ISC)
Comme son nom l’indique, la polymérisation à deux photons repose sur le principe de la photopolymérisation. Dans ce procédé, une exposition ciblée à la lumière déclenche une réaction de polymérisation : des monomères présents dans une résine synthétique s’assemblent pour former des chaînes polymères. Cette réaction en chaîne lie les molécules entre elles, entraînant le durcissement de la matière et la formation de structures tridimensionnelles. Bien que tous les procédés de photopolymérisation partagent ce mécanisme de base, ils diffèrent dans leur mise en œuvre.
La technologie TPP peut être rapprochée de la stéréolithographie, un procédé dans lequel un faisceau laser solidifie la résine liquide point par point, créant l’objet couche par couche. La différence majeure entre les deux réside dans la manière dont les photons interagissent avec le matériau. En stéréolithographie, la polymérisation est déclenchée par un rayonnement lumineux direct et continu. En revanche, la polymérisation à deux photons utilise une lumière laser focalisée, souvent dans le domaine visible ou infrarouge, permettant une activation précise uniquement au point focal, d’où son nom.
Bien que le principe de la polymérisation à deux photons soit globalement comparable à celui de la stéréolithographie — à savoir l’activation de molécules de résine par un faisceau laser entraînant leur durcissement —, une différence essentielle réside dans le mécanisme d’activation. En 2PP, la réaction de polymérisation ne se déclenche que lorsqu’une molécule absorbe simultanément deux photons du faisceau laser. Ce processus repose donc sur l’excitation de molécules photosensibles par absorption simultanée de deux photons. Pour qu’une telle absorption ait lieu avec une probabilité significative, une intensité lumineuse très élevée est nécessaire. Cette intensité est maximale au centre du point focal du laser, ce qui signifie que la polymérisation ne se produit qu’à cet endroit précis.
La polymérisation à deux photons utilise l’effet de l’absorption à deux photons. (Crédits photo : Fraunhofer ISC)
L’énergie du faisceau laser est concentrée de manière extrêmement intense au niveau du point focal, permettant ainsi le durcissement localisé et contrôlé du polymère photosensible, tandis que le matériau environnant reste à l’état liquide. Dans le cas de la polymérisation à deux photons, ce processus nécessite l’utilisation d’un laser à impulsions ultra-courtes, de l’ordre de quelques femtosecondes, afin d’atteindre une densité photonique suffisamment élevée pour permettre l’absorption simultanée de deux photons au point focal. En temps normal, les longueurs d’onde utilisées ne seraient pas absorbées par la résine. Toutefois, la combinaison d’une focalisation extrême et de la nature pulsée de l’irradiation induit l’absorption à deux photons exclusivement dans ce volume restreint.
Ainsi, la résine ne réagit qu’au niveau du point focal du faisceau laser, ce qui permet de traverser plusieurs couches de matériau sans affecter les zones non ciblées. Seule la région souhaitée est polymérisée. Grâce au contrôle informatique du faisceau, il est possible de tracer point par point des structures tridimensionnelles. La forte focalisation et l’intensité élevée du laser sont donc des éléments clés pour permettre la fabrication de structures complexes aux dimensions nanométriques. Une fois l’exposition terminée, un post-traitement à l’aide de solvants est réalisé afin de retirer la résine non polymérisée. Les objets imprimés en 3D par TPP présentent une grande précision, avec des résolutions pouvant atteindre moins de 25 nanomètres.
Dans la polymérisation à deux photons, le laser « écrit » une structure et un motif dans la résine liquide. (Crédits photo : Heidelberg Instruments)
De manière générale, une impression à très haute résolution s’accompagne d’un temps de production relativement long. En effet, la précision du procédé et le durcissement point par point du matériau entraînent des durées d’impression particulièrement importantes pour les objets de grande taille. Ainsi, la polymérisation à deux photons est surtout adaptée à la fabrication de pièces de petites dimensions.
En revanche, à l’échelle micro et nanométrique, cette technologie ouvre la voie à de nombreuses applications. Elle offre une liberté de conception totale, permettant la fabrication de structures complexes et arbitraires à très petite échelle. La plage d’échelle couverte par le 2PP s’étend de l’ordre de 100 nanomètres jusqu’à plusieurs centimètres.
La polymérisation à deux photons trouve ses principales applications dans les domaines où une précision extrême est requise dans des espaces restreints, notamment en micro-optique. Elle permet, par exemple, la fabrication de microlentilles et d’extrémités de fibres optiques utilisées en microscopie. En micromécanique, cette technologie est exploitée pour la production de micropuces, tandis qu’en microélectronique et en microfluidique, elle est utilisée pour créer divers composants miniaturisés et dispositifs complexes.
Le secteur médical constitue également un champ d’application prometteur. Cela permet de concevoir des structures d’échafaudage destinées à favoriser la croissance cellulaire et la régénération tissulaire. Il peut aussi être utilisé pour produire des implants à l’échelle cellulaire ou moléculaire. La fabrication d’implants à partir de matériaux issus du patient lui-même réduit considérablement le risque de rejet. À terme, la micro-impression personnalisée pourrait contribuer à pallier la pénurie d’implants provenant de donneurs. Ainsi, la polymérisation à deux photons s’impose comme une technologie de pointe, aux applications variées, qui stimule l’innovation dans de nombreux secteurs.
(Crédits : A. Marino, IIT Pontedera)
Le choix des matériaux dépend de l’application visée. Les résines époxy, les photorésists et les hydrogels sont les plus couramment employés en polymérisation à deux photons. On observe également une utilisation croissante de matériaux organiques ainsi que de matériaux hybrides. Par exemple, les polymères hybrides permettent de fabriquer des structures céramiques ou précéramiques, offrant une stabilité accrue.
Parmi les principaux fabricants de systèmes d’impression 3D basés sur la polymérisation à deux photons, on compte Nanoscribe (Allemagne), UpNano (Autriche), Microlight (France), Multiphoton Optics (Allemagne) et Moji-Nano-Technology (Chine). Nanoscribe a mis au point un procédé exclusif appelé lithographie à deux photons en échelle de gris. Sa machine Quantum X est la première imprimante 3D industrielle au monde utilisant cette technologie. La Quantum X Shape, autre modèle phare de Nanoscribe, est dédiée au prototypage rapide ainsi qu’à la production en série. De son côté, UpNano a lancé la série NanoOne, reconnue comme le système d’impression haute résolution le plus rapide au monde. L’entreprise propose également le NanoOne Bio System, une imprimante spécialement conçue pour la bio-impression 3D de cellules vivantes.
(Crédits : Heidelberg Instruments)
De nombreux fabricants d’imprimantes 3D proposent également leurs propres matériaux. Par exemple, UpNano a développé UpBlack, un matériau 2PP noir particulièrement adapté aux systèmes optiques, ainsi que le plastique résistant à la température UpThermo, conçu en partenariat avec Cubicure. Microlight 3D offre aussi ses matériaux microFAB, tels que le MicroFAB-3D, spécialement conçus pour ses imprimantes. Par ailleurs, l’institut Fraunhofer se distingue par ses avancées dans le développement de matériaux et l’optimisation de la polymérisation à deux photons. En plus des matériaux destinés aux applications biologiques, il vise à faire progresser cette technologie dans le cadre d’une plateforme propriétaire.
L’impression 3D à l’échelle micro et nano prend une importance croissante face aux exigences variées de nombreuses industries. Grâce à sa grande polyvalence, la polymérisation à deux photons est utilisée dans un nombre toujours plus grand de domaines. Cette technologie ouvre la voie à des innovations majeures et des avancées en médecine, micro-optique et microélectronique, contribuant ainsi à des développements dans l’industrie.
Que pensez-vous de la polymérisation à deux photons ? Partagez votre avis dans les commentaires de l’article. Retrouvez toutes nos vidéos sur notre chaîne YouTube ou suivez-nous sur Facebook ou LinkedIn !
*Crédits photo de couverture : Heidelberg Instruments
Une nouvelle édition du fameux 3D Print Lyon vient de se terminer et une fois…
L'utilisation croissante de l'impression 3D se répand dans divers secteurs, avec de plus en plus…
Cette semaine, on vous fait découvrir le nouveau partenariat entre Velo3D et la marine américaine…
Aujourd’hui, l’impression 3D joue un rôle important dans la protection des océans, un défi majeur…
Au cours des dernières années, l'impression 3D a profondément transformé de nombreux secteurs, allant de…
Deux ans après avoir testé la S7, c'est au tour de l'UltiMaker S8 de passer…
Ce site utilise des cookies anonymes de visite, en poursuivant vous acceptez leur utilisation.