Dans le secteur médical, la rééducation joue un rôle important dans le parcours de nombreux patients touchés par un accident, une blessure ou une maladie chronique. Restaurer la mobilité, retrouver de l’autonomie ou compenser un handicap demande des solutions adaptées à chaque situation. Pourtant, les dispositifs médicaux traditionnels, souvent standardisés, ne correspondent pas toujours parfaitement aux besoins individuels, limitant ainsi leur efficacité et leur confort d’utilisation.
L’impression 3D apporte une réponse à ces défis en permettant la création d’aides techniques entièrement personnalisées. Grâce à cette technologie flexible et accessible, il devient possible de concevoir des dispositifs sur mesure, facilitant les exercices de rééducation. En offrant des solutions plus adaptées et évolutives, l’impression 3D contribue à une prise en charge plus efficace et mieux ciblée des patients. Mais concrètement, en quoi cette technologie transforme-t-elle le quotidien des patients et des professionnels de santé ? Quelles sont les applications et les technologies utilisées ? Quels sont ses réels bénéfices dans le domaine de la rééducation fonctionnelle ? Pour mieux comprendre ces enjeux, nous avons recueilli les témoignages de Willy Allègre, ingénieur au Centre de Kerpape, et de Pierre-Yves Fejean, responsable de la communication chez Vytruve.
Les patients participent activement à l’élaboration de leur aide technique. (Crédits photo : Willy Allègre)
Avant d’explorer le rôle de l’impression 3D dans le domaine de la rééducation, il est important de revenir sur ce que ce terme englobe, ainsi que sur les méthodes d’accompagnement habituellement proposées aux patients. La rééducation regroupe l’ensemble des soins et exercices visant à restaurer ou améliorer les capacités physiques, fonctionnelles ou cognitives d’une personne, suite à une blessure, une intervention chirurgicale, une maladie ou un handicap. Elle fait appel à plusieurs disciplines complémentaires, telles que la kinésithérapie, l’ergothérapie ou encore l’orthophonie. Les approches traditionnelles incluent des exercices ciblés : renforcement musculaire, assouplissement, travail de la coordination, ou encore réapprentissage des gestes du quotidien.
Dans le cadre de la rééducation, les patients peuvent être accompagnés par différents équipements conçus pour améliorer leur autonomie et faciliter leur quotidien. On distingue alors deux notions souvent liées, mais pas tout à fait identiques : les aides techniques et les dispositifs médicaux. Les aides techniques regroupent des outils conçus pour compenser une limitation fonctionnelle, sans forcément avoir une finalité médicale directe. Il peut s’agir, par exemple, d’une canne de marche ou d’ustensiles adaptés à la prise des repas. Les dispositifs médicaux, quant à eux sont encadrés par une réglementation spécifique. Ils sont utilisés pour traiter ou compenser un handicap ou une pathologie. Parmi ces dispositifs, on retrouve notamment les orthèses, qui soutiennent ou corrigent une articulation ou un mouvement, et les prothèses, qui remplacent totalement ou partiellement un membre ou un organe manquant. Certaines aides techniques, en particulier celles à but médical, peuvent être classées comme des dispositifs médicaux (DM) selon le règlement (UE) 2017/745, en fonction des indications du fabricant et de l’usage prévu. Willy Allègre, ingénieur au Centre de Kerpape, précise : « une aide technique personnalisée peut être classée comme DM sur mesure, souvent en classe I, si elle est destinée à un utilisateur spécifique sur prescription. Elle doit alors répondre aux exigences du règlement (sécurité, performances), mais n’a pas besoin de marquage CE, contrairement aux dispositifs médicaux standards. »
L’intégration de l’impression 3D dans ce domaine offre de nouvelles perspectives prometteuses. En effet, elle occupe une place essentielle dans la rééducation, visant à améliorer l’autonomie des personnes handicapées ou en perte d’indépendance, en facilitant leurs gestes quotidiens. Cette technologie permet aux ergothérapeutes de créer des dispositifs sur mesure, non seulement pour restaurer certaines fonctions physiques, mais aussi pour rendre les activités quotidiennes et professionnelles plus accessibles.
Un des principaux atouts de l’impression 3D réside donc dans la personnalisation des dispositifs, qui dépasse celle des produits standardisés. Grâce à cette technologie, il est possible de fabriquer des orthèses, des prothèses et des aides techniques parfaitement ajustées à la morphologie de chaque individu, améliorant ainsi leur confort, leur efficacité et leur apparence. Willy Allègre souligne : “Même si les méthodes traditionnelles de création d’aides techniques permettent déjà un certain ajustement de la solution, cette technologie va plus loin en alliant légèreté, ergonomie et optimisation des coûts grâce à une gestion efficace des matériaux et à la reproductibilité des objets. Elle ouvre également la voie à une personnalisation esthétique, permettant aux patients de choisir couleurs, gravures ou motifs distinctifs, apportant ainsi une identité unique à leur aide technique.” Cette avancée facilite également l’innovation, en permettant la création de solutions adaptées aux pathologies rares et complexes.
Crédits photo : Vytruve
Le procédé d’impression 3D le plus couramment utilisé est le dépôt de matière fondu (FDM). En effet, il est particulièrement avantageux en raison de sa rapidité, de son coût abordable et de la possibilité de modifier les pièces après impression afin d’améliorer le confort. De plus, cette méthode nécessite peu de post-traitement et permet de varier facilement les couleurs et les matériaux. Willy Allègre souligne : « il est facilement envisageable de trouver un espace pour disposer des imprimantes 3D FDM, contrairement à la résine qui demande plus de précaution d’usage, notamment au contact des patients. »
D’autres technologies d’impression 3D sont également utilisées selon les besoins. Le frittage sélectif par laser (SLS) permet de fabriquer des pièces solides et flexibles, idéales pour les prothèses sur mesure et les dispositifs nécessitant une grande résistance. Pierre Yves-Fejean, Communication Manager chez Vytruve, précise : « Pour les prothèses finales, nous utilisons une approche combinée : le frittage sélectif par laser (SLS) pour la fabrication de l’emboîture et l’intégration de composants en carbone. Cette combinaison garantit des prothèses légères mais durables, optimisant à la fois le confort et la mobilité des patients. » Enfin, une autre technologie, la stéréolithographie (SLA), se distingue par sa capacité à produire des pièces avec une haute précision et une surface lisse, ce qui est essentiel pour les dispositifs nécessitant un ajustement minutieux et un bon confort.
Les matériaux utilisés pour l’impression 3D varient en fonction des centres et des exigences spécifiques des patients. Le choix du matériau dépend des caractéristiques souhaitées, comme la rigidité, la solidité ou la flexibilité. Le PLA est le matériau le plus couramment utilisé pour fabriquer des aides techniques. Il est apprécié pour sa facilité d’impression, sa bonne rigidité et son large choix de coloris, ce qui permet d’adapter les dispositifs aux préférences des utilisateurs. Cependant, il peut être moins résistant aux chocs et à la chaleur, ce qui limite son utilisation pour certaines applications. Pour des aides techniques nécessitant davantage de robustesse et de durabilité, le PETG est souvent privilégié. Plus solide que le PLA, il offre une meilleure résistance aux contraintes mécaniques et aux variations de température, tout en conservant une bonne facilité d’impression. Il est particulièrement utilisé pour des objets soumis à des efforts répétés ou nécessitant une plus longue durée de vie. Enfin, lorsque l’on recherche un matériau souple et flexible, le TPU est une option intéressante.
Les imprimantes 3D Vytruve (Crédits photo : Vytruve)
De nos jours, l’implication des patients dans leur propre soin est de plus en plus mise en avant. Leur engagement dans le processus de rééducation peut avoir un impact thérapeutique considérable. Les ergothérapeutes, pour favoriser cette participation, conçoivent des objets adaptés avec l’aide de l’impression 3D. Cette technologie permet aux patients de jouer un rôle plus actif dans leur réadaptation en leur offrant la possibilité de créer des aides techniques personnalisées. L’utilisation de l’impression 3D en rééducation varie selon les structures et leurs besoins spécifiques. Selon Willy Allègre, le REHAB-LAB vise à répondre aux besoins des patients en créant des aides techniques personnalisées, appelées ATP. « Chaque ATP est réalisée avec un patient, un(e) ergothérapeute et un(e) référent(e) technique, dans un processus où le patient est acteur et formé à un logiciel de CAO pour concevoir son ATP », précise-t-il. Il ajoute également : « Le service d’orthoprotèse utilise l’impression 3D pour imprimer des moules de visage afin de créer des conformateurs faciaux individualisés destinés au traitement des grands brûlés. »
Selon la classification Handicat, qui catalogue les différentes aides techniques, près de la moitié (47 %) concerne des objets du quotidien, comme des adaptations pour les couverts, des dispositifs pour faciliter la prise de boisson ou l’hygiène personnelle. Les autres 53 % couvrent des besoins plus larges : la mobilité, avec des ajustements pour les fauteuils roulants électriques ; les loisirs, avec des dispositifs pour adapter les manettes de jeux vidéo ou pour permettre la pratique de sports comme le tennis de table ou le tir à l’arc ; et enfin la communication, avec des outils comme des supports pour téléphones ou tablettes et des dispositifs spécifiques pour les personnes utilisant des synthèses vocales. Un exemple donné par Willy Allègre est celui de Romain, un jeune homme amputé des quatre doigts de la main droite. « Il souhaitait retrouver le plaisir de jouer sur ordinateur. Sa souris de joueur a donc été adaptée, facilitant le clic droit et gauche avec le pouce, lui permettant ainsi d’accéder à son ordinateur. »
La nouvelle souris adaptée de Romain, afin qu’il puisse continuer à jouer sur l’ordinateur. (Crédits photo : Willy Allègre)
Cette technologie permet également de concevoir rapidement et précisément des aides techniques en prenant en compte les besoins spécifiques de chaque individu. Grâce à des scanners 3D de haute précision, il est désormais possible d’obtenir des ajustements plus fins et personnalisés, garantissant ainsi un confort optimal. Des entreprises comme Vytruve illustrent bien cette évolution, en proposant des solutions qui intègrent des technologies numériques avancées. Leur approche permet de produire des emboîtures sur mesure de manière rapide et fiable, optimisant le processus de fabrication des prothèses. Ces dispositifs facilitent non seulement le quotidien des patients en leur offrant plus de confort, mais permettent également à certains de reprendre des activités sportives de haut niveau, comme l’haltérophilie ou le cyclisme.
Crédits photo : Vytruve
L’impression 3D représente un atout économique non négligeable. Selon Willy Allègre, le coût des matériaux utilisés, généralement compris entre 18 € et 30 € par kilogramme, permet de produire des aides techniques à un prix nettement inférieur aux solutions classiques. En effet, une aide technique personnalisée imprimée en 3D peut revenir 30 à 80 % moins cher que son équivalent fabriqué de manière traditionnelle. À titre d’exemple, un support de verre universel coûtant environ 20 € dans le commerce pourrait être reproduit en impression 3D pour seulement 4 €, tout en étant parfaitement adapté aux besoins de l’utilisateur. Pour le patient, le coût d’une aide technique réalisée par un établissement peut varier entre 20 et 200€. Les établissements de soins médicaux et de réadaptation procèdent à une évaluation financière des actes afin de couvrir partiellement cette activité, évitant ainsi tout reste à charge pour les usagers pris en charge par les REHAB-LAB. La technologie 3D offre donc des bénéfices non négligeables en termes de coût, tant pour le praticien que pour le patient. Il reste toutefois des zones d’ombre quant au remboursement de certains dispositifs imprimés en 3D mais le débat est ouvert. Les défis et questions liés à la fabrication additive dans le domaine médical ne datent pas d’hier et sont encore nombreux – les discussions avancent toutefois.
Quant à l’avenir de cette technologie dans ce domaine, Pierre Yves-Fejean souligne que l’impression 3D deviendra un élément clé du processus clinique, entièrement intégré, intuitif et accessible à tous les praticiens. Il affirme : »Bien que la technologie soit déjà suffisamment mature pour avoir un impact concret, son potentiel reste en pleine évolution. Nous commençons à peine à percevoir son influence sur la transformation des soins aux patients, la réduction des délais de production et la possibilité pour les cliniciens de se concentrer davantage sur l’interaction humaine et moins sur la fabrication manuelle. Ainsi, les limites actuelles ne sont que temporaires et sont continuellement repoussées. »
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*Crédits photo de couverture : Willy Allègre
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