Aérospatiale et Défense

Interstellar Technologies utilise la fabrication additive pour accélérer la course spatiale du Japon

SpaceX, la NASA, l’ESA, Relativity Space, Blue Origin… qu’ont-ils en commun ? Tous misent sur la fabrication additive pour repousser les limites de l’exploration spatiale. Et si la majorité des exemples connus proviennent d’Europe et des États-Unis, d’autres acteurs internationaux se positionnent également sur ce marché stratégique de l’impression 3D. C’est le cas d’Interstellar Technologies. La start-up japonaise a récemment fait parler d’elle après avoir reçu d’importants financements de la part du gouvernement japonais et de Toyota, illustrant l’ambition croissante du Japon dans le domaine spatial. Pour mieux comprendre les projets de l’entreprise et ses perspectives, nous avons échangé avec Satoshi Nakayama.

3DN : Pouvez-vous vous présenter et expliquer votre lien avec l’impression 3D ?

Satoshi Nakayama

Je m’appelle Satoshi Nakayama, directeur du conseil d’administration et vice-président en charge des lanceurs chez Interstellar Technologies Inc. Avant de rejoindre l’entreprise, j’ai passé douze ans chez Mitsubishi Precision Company, où j’étais chef de projet pour le développement de capteurs de navigation destinés aux fusées du gouvernement japonais. Cette expérience m’a permis d’acquérir une solide expertise au cœur de l’industrie spatiale nationale. En 2021, j’ai intégré Interstellar, où j’ai contribué au développement des systèmes avioniques, à la conception en fiabilité ainsi qu’au contrôle qualité. En mai dernier, j’ai été nommé vice-président de l’équipe en charge des lanceurs.

Travailler dans l’environnement plus conservateur des programmes gouvernementaux m’a fait ressentir les limites d’un secteur peu enclin à prendre des risques ou à adopter des innovations. À l’inverse, Interstellar offre un cadre où nous sommes encouragés à sortir des sentiers battus et à relever des défis ambitieux. Je considère que notre mission est de catalyser une transformation profonde de l’industrie spatiale japonaise.

Notre lanceur orbital ZERO incarne cette ambition. Il intègre de nombreux nouveaux fournisseurs, des composants novateurs et des technologies de pointe. En réussissant son lancement, notre objectif est de démontrer la viabilité de ces innovations, et ainsi contribuer à dynamiser non seulement l’écosystème spatial japonais, mais aussi celui de toute l’Asie, tout en renforçant la résilience de sa chaîne d’approvisionnement.

3DN : Quelle est la mission d’Interstellar Technologies? Comment l’entreprise a-t-elle été créée?

Interstellar Technologies est une start-up japonaise fondée en 2013, avec pour ambition de rendre l’accès à l’espace plus abordable et ouvert à tous. À ce jour, nous avons réalisé sept lancements, dont trois suborbitaux couronnés de succès, faisant de nous la première entreprise privée japonaise à atteindre l’espace. L’équipe s’est considérablement étoffée, rassemblant désormais plus de 200 collaborateurs répartis sur quatre sites au Japon. Nous travaillons actuellement au développement de notre lanceur orbital, ZERO, ainsi que de notre service satellitaire Our Stars. Notre objectif : devenir la première entreprise japonaise dans le domaine des fusées et des satellites de communication.

3DN : Pouvez-vous nous dire comment ils utilisent la fabrication additive pour fabriquer des fusées? Quels sont les avantages de l’utilisation de cette technologie pour des applications spatiales?

Dans le domaine du développement de fusées, la fabrication additive permet de gagner en flexibilité de conception tout en améliorant l’efficacité des processus de production. L’un de ses atouts majeurs réside dans la possibilité de fusionner des pièces complexes — comme des composants de moteurs ou des turbopompes — en une structure unique. Cette intégration réduit le nombre d’éléments, diminue le poids, renforce la solidité et améliore la fiabilité globale, contribuant ainsi à l’optimisation de l’ensemble du lanceur.

Par exemple, la fusée ZERO est équipée d’une turbopompe qui alimente le moteur en faisant tourner un rotor. Ce système fonctionne grâce à un générateur de gaz, un moteur-fusée miniature qui brûle un mélange de méthane liquide et d’oxygène liquide. Les gaz de combustion produits sont ensuite dirigés vers les pales de la turbine, entraînant ainsi la turbopompe.

La turbomoteur utilisée dans ZERO.

Le générateur de gaz fonctionne à une température relativement modérée d’environ 400 °C et utilise une chambre de combustion de forme sphérique. Pour en réduire les coûts de fabrication, cette chambre est moulée à partir d’un modèle imprimé en 3D, puis coulée en Inconel, un alliage réputé pour sa résistance à la chaleur. L’injecteur, chargé d’alimenter cette chambre de combustion, est quant à lui directement imprimé en 3D en acier inoxydable. Comme ce type de pièce nécessite des canaux internes complexes afin de produire des motifs de pulvérisation précis, la fabrication additive permet ici de créer des géométries sophistiquées tout en simplifiant la construction et en réduisant le nombre d’étapes d’usinage.

Par ailleurs, le collecteur de turbine de la turbopompe — qui redirige les gaz issus du générateur de gaz vers la turbine — est également fabriqué en impression 3D, à partir d’Inconel. Il est intégré directement dans la structure de la turbopompe, ce qui permet une conception alliant légèreté, compacité et performance aérodynamique, avec des canaux internes optimisés pour une distribution efficace du flux gazeux. Grâce à l’adoption de l’impression 3D, des pièces qui demandaient auparavant plusieurs mois de production via des procédés classiques peuvent désormais être fabriquées bien plus rapidement. Cela accélère  le développement technologique chez Interstellar Technologies, favorisant une innovation continue dans le secteur spatial.

3DN : Ils ont obtenu des financements conséquents de la part d’acteurs comme Toyota et le gouvernement japonais. Comment utiliseront-ils ce programme pour renforcer la présence du Japon dans l’espace? Quel rôle jouera la fabrication additive ?

La demande pour les lancements de petits satellites a explosé ces dernières années, mais tous les pays n’ont pas progressé au même rythme. En 2024, les États-Unis et la Chine ont respectivement réalisé 158 et 68 lancements, tandis que le Japon n’en comptait que 7. Pour combler ce retard, le gouvernement japonais s’est fixé pour objectif d’atteindre environ 30 lancements domestiques par an d’ici le début des années 2030, afin de répondre à la demande croissante tant au niveau national qu’international. Dans ce cadre, Interstellar a été retenue dans le programme SBIR (Small Business Innovation Research), une initiative gouvernementale visant à stimuler le développement technologique dans le secteur spatial. L’entreprise pourrait ainsi bénéficier d’un financement allant jusqu’à 8 milliards de yens (environ 53,5 millions de dollars).

Par ailleurs, un partenariat stratégique a été noué avec Woven by Toyota, Inc., filiale du groupe Toyota. L’objectif : tirer parti du savoir-faire de Toyota dans des domaines clés tels que la réduction des coûts, la rationalisation des délais de livraison et la mise en place d’une production en série pour les lanceurs spatiaux. Ensemble, les deux entreprises entendent renforcer la chaîne d’approvisionnement et la gouvernance d’entreprise, avec pour ambition d’industrialiser la fabrication de fusées et de proposer des services de lancement compétitifs à l’échelle internationale, contribuant ainsi à une plus grande accessibilité de l’espace pour l’Asie.

Siège d’Interstellar à Taiki

Dans le secteur spatial, la fabrication additive est de plus en plus utilisée pour produire des composants de grande taille, comme les réservoirs de propergol ou les chambres de combustion, grâce à l’impression 3D. Cette technologie présente de nombreux avantages : réduction du nombre de pièces, allègement des structures, amélioration de la résistance et fiabilité accrue. Chez Interstellar, nous nous engageons à élargir les applications de l’impression 3D en développant de nouveaux procédés et matériaux de fabrication.

Notre objectif est d’accroître la compétitivité de notre lanceur ZERO, tout en contribuant au développement de l’industrie spatiale japonaise et au renforcement de sa chaîne d’approvisionnement. Nous continuerons à explorer de nouvelles approches en matière de conception et de production pour repousser les frontières de l’ingénierie spatiale. Pour en savoir plus sur Interstellar, rendez-vous sur notre site ICI.

Que pensez-vous de Interstellar ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires de l’article. Vous êtes intéressés par l’actualité de l’impression 3D dans l’espace ? Cliquez ICI. Vous pouvez aussi nous suivre sur Facebook ou LinkedIn !

Carla C.

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