Interviews

#Startup3D : AM3L exploite la FA métal pour générer des architectures poreuses hautes performances

Nous terminons cette année avec une startup française qui nous vient tout droit du CEA : il s’agit d’AM3L qui est spécialiste des métamatériaux poreux fabriqués par impression 3D métal. Son objectif est de produire, via la fabrication additive, des structures qui présentent une architecture sur-mesure, entièrement contrôlée et vérifiée. Elle propose pour le moment deux produits phares à savoir des amortisseurs de chocs et des filtres fonctionnels. Elle utilise la fabrication additive métallique pour maîtriser la porosité de chaque pièce et ainsi de s’appuyer sur le vide contrôlé à l’intérieur de chaque composant. Il ne s’agit pas de regarder la densité mais bien l’aspect poreux de la structure. Ainsi, AM3L est capable de jouer sur l’architecture interne à l’échelle millimétrique ou sub-millimétrique et de proposer des fonctionnalités diverses et variées sur une même pièce : rigidité, renfort, souplesse, etc. Nous avons rencontré son cofondateur et directeur technique, Timothée Delacroix afin d’en savoir plus sur les origines de la startup, son quotidien et ses ambitions.

3DN : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre lien avec la fabrication additive ?

Je suis Timothée Delacroix, cofondateur et directeur technique d’AM3L. Je suis docteur-ingénieur en fabrication additive et je travaille depuis bientôt sept ans sur la fusion laser sur lit de poudre, avec plusieurs brevets et publications scientifiques autour de cette technologie. J’ai découvert la fabrication additive métallique chez Safran, où j’ai été initié aux enjeux industriels du procédé. J’ai ensuite réalisé ma thèse au CEA Paris-Saclay, en contribuant à la montée en maturité du procédé puis au développement de matériaux architecturés 3D. Avec mon associé Hicham Maskrot, cofondateur et Président d’AM3L, nous avons bénéficié du soutien du CEA pour valoriser le savoir-faire du laboratoire qu’il dirigeait, structurer un projet de création de startup et franchir le cap de montée en maturité entre recherche, démonstrateurs et solutions industrielles. Aujourd’hui, avec notre équipe, la fabrication additive est notre outil de travail et nous opérons au croisement entre conception, matière, procédé, et performance fonctionnelle : comment ajuster un matériau, sa porosité et son architecture interne pour absorber un choc, filtrer un fluide ou gérer un flux thermique.

A gauche, Timothée Delacroix ; à droite, Hicham Maskrot

3DN : Qu’est-ce qu’AM3L ? Pourquoi la société a-t-elle été créée ?

AM3L est une spin-off du CEA Paris-Saclay créée en 2023 avec une expertise dans les métamatériaux poreux fabriqués par impression 3D métal. Nous concevons et produisons des structures métalliques architecturées sur mesure pour des secteurs exigeants : nucléaire, défense, transports, énergie, etc.

Sur l’impulsion d’Hicham, l’idée avec AM3L a été de transformer le savoir-faire du laboratoire en une structure agile capable de partir d’un besoin très concret et de revenir avec une pièce finie, fonctionnelle, prête à intégrer un dispositif existant. Dans un contexte où beaucoup de travaux en fabrication additive métallique se focalisaient surtout sur l’obtention de pièces les plus denses possible, nous avons choisi d’assumer l’inverse et d’exploiter pleinement le potentiel du poreux et des architectures. Notre mission peut se résumer ainsi : utiliser le “vide contrôlé” à l’intérieur des pièces métalliques comme un véritable levier de performance, plutôt que comme un défaut. L’objectif n’est pas seulement de montrer que c’est possible, mais de livrer des pièces avec un niveau de performance, de répétabilité et de traçabilité compatible avec les exigences de nos secteurs. On capitalise pour cela sur l’expérience accumulée au CEA en matière de qualification, d’essais et de certification, pour que ces métamatériaux ne restent pas des démonstrateurs mais deviennent de vraies solutions industrielles. C’est d’ailleurs chose faite désormais avec notre premier amortisseur de choc qualifié cette année par l’Autorité de Sureté Nucléaire.

AM3L produit des structures métalliques architecturées sur mesure

3DN : Qu’est-ce qu’un matériau architecturé 3D ?

Un matériau architecturé 3D, c’est un matériau dont on dessine et contrôle l’architecture interne à l’échelle millimétrique ou sub-millimétrique, au lieu de se contenter d’un bloc “plein” ou d’une porosité uniquement aléatoire. Concrètement, au lieu d’avoir un simple cube massif en métal, on vient le remplacer en partie ou totalement par un réseau de cellules répétées (lattices, structures périodiques, TPMS, etc.) dont on peut contrôler les motifs, les tailles de cellules, les épaisseurs de brins ou de murs, et l’aménagement dans le volume.

À matériau identique, on peut ainsi obtenir des comportements très différents : très déformable pour absorber un choc, très perméable avec des pertes de charge maîtrisées pour faire circuler un fluide, ou au contraire rigide et léger pour servir de structure ou d’outillage, et j’en passe. Ce n’est plus seulement la composition du matériau qui compte, mais la façon dont on organise le plein et le vide dans l’espace.

3DN : Pourquoi a-t-on besoin de ce type de matériau en FA ?

La fabrication additive est l’un des rares procédés qui permet de réaliser réellement ce type d’architectures internes, avec un bon niveau de maîtrise sur des matériaux industriels. Si c’est pour imprimer des blocs massifs qu’on aurait pu usiner ou couler, on passe à côté de l’essentiel. Là où la FA prend tout son sens, c’est justement quand on exploite sa capacité à contrôler finement le plein et le vide à l’intérieur des pièces.

AM3L travaille sur des machines de fusion laser sur lit de poudre

L’intérêt des matériaux architecturés 3D en FA, c’est aussi de pouvoir combiner plusieurs fonctions dans un même composant. Une zone peut être optimisée pour de la protection, une autre pour laisser circuler un fluide ou échanger de la chaleur, une troisième pour apporter de la rigidité ou reprendre des efforts mécaniques. En jouant sur l’architecture locale, on répond à différents challenges de conception avec un seul ensemble, au lieu d’empiler des pièces, des interfaces et des assemblages. Cela simplifie la mécanique, réduit les opérations, les risques et facilite la qualification de l’ensemble, puisqu’on travaille sur un matériau, un procédé et une pièce uniques. Enfin, cela permet d’optimiser le compromis performance / masse / encombrement. Dans de nombreux secteurs, chaque kilogramme et chaque centimètre comptent. Nos métamatériaux permettent parfois de faire mieux avec moins de matière et moins de place.

3DN : Avec quels procédés travaille AM3L ?

Nous travaillons pour le moment uniquement sur la FA métallique et plus précisément la fusion laser sur lit de poudre (LPBF), sur des machines industrielles Nikon SLM Solutions, notre partenaire. C’est aujourd’hui le procédé qui offre le meilleur compromis entre résolution géométrique, propriétés mécaniques et répétabilité pour ce type de structures. L’architecture logicielle ouverte permise par ces machines permet d’ajuster très finement la quasi-totalité des paramètres de fabrication et d’adapter le comportement de nos métamatériaux, même une fois la géométrie CAO figée.

3DN : Comment contrôlez-vous la qualité de vos matériaux ?

La qualité se joue sur l’ensemble de la chaîne de valeur : conception, procédé, poudre, pièces et témoins. Nous avons construit une base de données interne qui relie design, paramètres de fabrication et propriétés obtenues, ainsi que des règles de design et des études de sensibilité qui nous permettent de choisir des fenêtres procédé robustes en fonction des applications. En parallèle, nous contrôlons la matière et le procédé (poudre, suivi des fabrications, vérifications métallurgiques lorsque nécessaire) et nous travaillons systématiquement avec des témoins ou démonstrateurs dédiés à la fonction visée : absorption d’énergie, perméabilité, etc. Ces témoins sont testés et comparés à notre base de référence, ce qui nous permet de vérifier que design, procédé et comportement réel restent bien alignés et de livrer des solutions à la fois performantes et reproductibles.

3DN : Quels sont les futurs projets d’AM3L ?

Sur la partie absorption d’énergie, l’objectif est de capitaliser sur nos premiers cas qualifiés et d’étendre cela à d’autres marchés avec des besoins similaires en protection, notamment dans la défense, le ferroviaire, l’aéronautique et le spatial. Nous explorons également des amortisseurs “4D” en alliages à mémoire de forme, avec des structures recouvrables capables de reprendre leur géométrie après un choc et de fonctionner sur plusieurs cycles.

Nous développons aussi une nouvelle génération de moules poreux métalliques pour le packaging et les matériaux biosourcés : des outillages architecturés qui améliorent l’aspiration et l’évacuation des fluides, limitent le colmatage et visent à rendre compétitives des solutions d’emballage plus durables en remplacement du plastique.

Enfin, nous renforçons notre outil numérique, en structurant notre base de données design–procédé–propriétés et des outils d’aide au choix, pour raccourcir le chemin entre un cahier des charges donné et une solution de métamatériau métallique optimale.

3DN : Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Si vous travaillez sur des systèmes où la sécurité, la compacité ou la performance énergétique sont des enjeux clés, il arrive un moment où “rajouter du plein” ne suffit plus. S’intéresser à la façon dont on organise le vide à l’intérieur des pièces peut ouvrir des pistes de conception qu’on n’envisage pas avec les solutions classiques. Notre métier n’est pas de “faire de la FA” pour le principe, mais de livrer des pièces métalliques architecturées fonctionnelles, qualifiables et qui tiennent leurs promesses en conditions réelles. Si vous vous demandez si ce type de solution pourrait avoir du sens dans votre contexte, même sans idée précise de la forme qu’elle pourrait prendre, on sera ravis d’en discuter ! Vous pouvez consulter notre site ICI.

Que pensez-vous de la startup AM3L ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires de l’article. Vous pouvez aussi nous suivre sur Facebook ou LinkedIn !

*Crédits de toutes les photos : AM3L

Mélanie W.

Diplômée de l'Université Paris Dauphine, je suis passionnée par l'écriture et la communication. J'aime découvrir toutes les nouveautés technologiques de notre société digitale et aime les partager. Je considère l'impression 3D comme une avancée technologique majeure touchant la majorité des secteurs. C'est d'ailleurs ce qui fait toute sa richesse.

Share
Publié par
Mélanie W.

Articles récents

Imprimer en 3D des matériaux thermodurcissables sans support : une nouvelle approche plus rapide

Et si les procédés résine pouvaient s’affranchir des supports d’impression et ainsi faciliter le processus…

8 décembre 2025

Print a Drink : imprimez en 3D votre boisson préférée

Et si vous pouviez imprimer en 3D votre boisson préférée ? Voici un concept tout…

5 décembre 2025

Les projets qui utilisent l’impression 3D pour la restauration environnementale

Partout dans le monde, designers, ingénieurs, chercheurs et artistes se tournent vers l'impression 3D comme…

4 décembre 2025

Bio-impression sous pression : des modèles pulmonaires imprimés en 3D pour étudier l’effet des environnements extrêmes

Lorsque les pilotes et les astronautes prennent leur envol, leur corps est soumis à des…

4 décembre 2025

Infographie : retour sur l’histoire de la fabrication additive

Aujourd'hui est une date particulière puisqu'il s'agit de la journée de l'impression 3D. Le 3…

3 décembre 2025

Pourquoi HP AM fait de la fabrication locale une priorité stratégique

L’industrie manufacturière a changé ses codes : il ne s’agit plus de délocaliser la production…

3 décembre 2025

Ce site utilise des cookies anonymes de visite, en poursuivant vous acceptez leur utilisation.