Matériaux

3DCeram ou l’impression 3D appliquée à la céramique

Installée dans la ville de Limoges, renommée mondialement pour son travail de la porcelaine, la firme 3DCeram se présente comme une pépite française de l’impression 3D céramique. Avec une expertise unique sur un matériau qui trouve des applications dans de nombreux secteurs, 3DCeram pourrait bien devenir un acteur de référence sur le sujet. Pour en savoir plus sur les dessous de la technologie et les ambitions de la société, 3Dnatives est allé interviewer Richard Gaignon, Président de 3DCeram.

3DN : Bonjour Richard, pourriez-vous nous présenter 3DCeram ?

3DCeram a été créée en 2001 à Limoges. Nous l’avons reprise en 2009 avec Christophe Chaput qui en était déjà le directeur depuis sa création. Tous les deux ingénieurs céramistes diplômés de l’Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle (ENSCI), nos parcours professionnels très différents nous ont permis de développer des expertises complémentaires : Christophe expert mondial dans la fabrication de pièces en céramique technique et, pour ma part, 20 ans d’expérience dans la conception et la mise en route d’usine céramique.

3DCeram profite ainsi d’une expertise matériau, la céramique, et d’une expertise process, la technologie d’impression 3D et les étapes post-impression ; ces savoir-faire sont uniques et conduisent à un positionnement de leader sur ce marché.

Christophe Chaput et Richard Gaignon de 3DCeram

Il y a 10 ans, la société a fait le pari d’exploiter l’impression 3D par stéréolithographie pour produire des pièces fonctionnelles en céramique. C’était un pari gagnant car nos pièces offrent une excellente qualité et répondent à des cahiers des charges techniques exigeants. En 2005, les premières pièces ont été commercialisées sur le marché du biomédical en collaboration avec le Pr Brie du CHU de Limoges (implants en céramique). Peu à peu nous avons exploré d’autres marchés et aujourd’hui de nombreux clients profitent de notre service de production à la demande.

Mais 3DCeram, c’est aussi un état d’esprit, celui des pionniers de l’impression 3D, celui des makers. Nous avons décidé de partager notre savoir-faire en capitalisant sur cette expérience sans équivalent. Nous avons donc commercialisé notre imprimante 3D Ceramaker, initialement développée pour nos besoins, dédiée à la production industrielle de pièces en céramique et ses cartouches de pâtes céramiques. Nous lançons cette année une gamme de suspensions céramique adaptées à des imprimantes de bureaux développées par des partenaires sélectionnés par 3DCeram.

Aujourd’hui, nous proposons une offre complète à nos clients (fabrication de pièces, imprimantes, consommables, services…). Cette offre permet d’ouvrir de nouveaux marchés à la céramique en exploitant les possibilités offertes par l’impression 3D.

Un exemple d’implant crânien imprimé en céramique

3DN : Quelles sont les difficultés inhérentes à l’impression 3D de céramique ?

Certaines difficultés sont liées à l’impression 3D, d’autres aux opérations post-impression. Pour l’impression 3D, la formulation des pâtes et des suspensions céramiques est cruciale. Elles doivent avoir les caractéristiques idéales (rhéologie, viscosité, granulométrie, etc) pour être « imprimables » et remplir le cahier des charges techniques des pièces une fois produites.

Le caractère abrasif de la céramique et sa forte densité compliquent les choses : nous avons dû travailler sur des formules qui évitent la sédimentation, qui présentent une bonne réactivité et tienne compte de la différence d’indice de réfraction entre les particules céramiques et la résine. Il a fallu aussi adapter le système d’alimentation des imprimantes. Mais ces difficultés sont résolues et les clients qui souhaitent imprimer de la céramique n’ont pas à s’en préoccuper.

L’imprimante 3D céramique développée par 3DCeram

Une autre particularité de l’impression 3D céramique concerne les supports d’impression qui ne doivent pas laisser de marques. Bien que toujours indispensables, ils s’éliminent maintenant sans laisser de trace grâce à une technologie développée par 3DCeram. Les makers doivent en revanche se familiariser avec le process de production traditionnel de la céramique, après l’impression. Les pièces en céramiques obtenues par impression 3D présentent en effet les mêmes caractéristiques que celles produites par les technologies traditionnelles. Pour atteindre ce niveau de qualité, elles doivent suivre les mêmes étapes après mises en forme que les céramiques réalisées traditionnellement.

Pour être plus précis, nous utilisons des pâtes (ou des suspensions) composées de céramique et d’une résine qui sera polymérisée par laser. Après impression, la pièce « crue » doit être déliantée et frittée : elle doit passer successivement plusieurs heures, voir jours, dans des fours à haute température (1700°C pour certaines céramiques).

Une des difficultés, outre la maîtrise des équipements, des températures et des temps de déliantage et de frittage, réside dans le retrait de l’ordre de 20% lors de la cuisson. Ce retrait doit être anticipé au niveau de la CAO sans pouvoir appliquer un simple coefficient homothétique. Il faut donc se former. Avec la céramique, les résultats ne sont pas aussi immédiats qu’avec le plastique.

Des implants spécialement pensés pour que l’os du patient se reforme

3DN : À quels secteurs se destinent vos solutions ?

3DCeram sert plusieurs marchés. Comme précisé précédemment, nous avons commencé par le biomédical. Ainsi, nous livrons des implants crâniens faits sur-mesure directement à partir du scan du défaut osseux du patient. L’impression 3D permet de produire un implant qui correspond exactement au défaut avec des porosités crées spécialement pour favoriser la reconstruction osseuse. Pour ce marché nous produisons aussi des « noyaux » de cages intervertébrales.

Les grandes maisons de l’industrie du Luxe nous font aussi confiance. Elles ont été séduites par les propriétés de la céramique et par la qualité exceptionnelle des pièces que nous imprimons. Pour ce marché nous produisons des pièces uniques ou des petites séries : des bagues, des boîtiers de montre, des accessoires, etc. Notre technologie est particulièrement adaptée à la production de collections capsules propres à cette industrie.

Nous produisons aussi beaucoup pour l’industrie, au sens général du terme. Nous produisons pour l’aérospatial et l’aéronautique, la chimie, l’automobile. Il y a autant d’applications que de domaines d’activité : des noyaux de fonderie, des filtres… L’impression 3D ne se limite pas aux marchés traditionnels et ouvre de nouvelles possibilités pour la céramique. Nos clients explorent de nouvelles pistes.

3DCeram s’adresse également au Luxe et notamment l’horlogerie

3DN : Quels sont vos développements en cours ?

Nous allons poursuivre nos efforts pour partager notre savoir-faire et démocratiser l’impression 3D de céramique en la rendant plus accessible. Nous travaillons actuellement sur de nouvelles suspensions, sur la qualification de nouvelles imprimantes développées par des partenaires et le développement d’une nouvelle imprimante pour les laboratoires.

Nous travaillons en parallèle sur un nouveau concept de ligne de production hybride reposant sur l’impression 3D et sur d’autres technologies. L’idée est de créer des lignes autonomes et multi-tâche. L’industrie du futur prend tout son sens dans ce développement. Mais, il est encore trop tôt pour en parler…

3DN : Un dernier mot pour nos lecteurs ?

La céramique est un matériau traditionnel. Les acteurs historiques de ce marché ont du mal à s’affranchir d’une approche de la production très conservatrice alors que les nouveaux arrivants, issus de l’impression 3D ou de la CAO, hésitent avant d’aborder ce marché parce qu’ils ne connaissent pas le process de fabrication des pièces en céramiques. Aujourd’hui tout est possible, osez !

Plus d’informations sur le site de 3DCeram ICI

Retrouvez l’ensemble des interviews 3Dnatives ICI

Alex M.

Fondateur de 3Dnatives

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Alex M.

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